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L’ÎLE D’ANTICOSTI

courage n’avait pas encore laissé, décide le père récollet à l’y accompagner, et au moment de s’y engager, un deuxième coup de feu se fait entendre. Rendus de plus en plus prudents par l’expérience, les deux abandonnés se gardent bien d’y répondre. Ils marchent, se guidant sur l’endroit d’où viennent ces détonations, et bientôt ils débouchent sur une clairière où fumait la cabane d’un chef indien.

« Ce brave homme leur fit le plus touchant accueil, tout en leur expliquant l’étrange conduite du guide du P. Crespel, qui ne les avait ainsi abandonnés que par crainte du scorbut, de la variole, et du « mauvais air. »

« Enfin, ceux-ci étaient sauvés ! mais tout n’était pas fini, puisque Furst restait en arrière. Le P. Crespel offrit en cadeau son fusil au chef pour le décider à l’aller chercher. Ce fut peine inutile, « et M. Furst, dit la relation, passa la nuit sur la neige, où Dieu seul put le garantir de la mort, car dans la cabane même, nous endurâmes un froid inexprimable, et ce ne fut que le lendemain, comme nous nous disposions à aller au devant de lui, que nous le vîmes arriver. »

« Deux jours furent alors consacrés au repos, et pendant ce court espace de temps ces malheureux, qui n’oubliaient pas le serment fait à ceux qui étaient restés à la rivière au Pavillon, recouvrirent assez de leurs forces pour s’embarquer le 1er mai