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Après lui, ce fut Georges Lecomte qui me demanda une entrevue. Je n’avais aucune raison de la lui refuser. J’avais plus ou moins correspondu avec lui au sujet du Supplément. Puisque les journalistes voulaient bien nous faire de la réclame, ç’aurait été stupide de la refuser.

À cette époque, Georges Lecomte fleuretait avec l’anarchie. Il me parut un peu prudhommesque.

Quant à sa largeur d’idées, j’ai bien peur qu’il ne l’ait semée en route. Lui aussi il y alla de son article, mais j’ai oublié où il parut.

Barrès, qui se piquait d’un certain anarchisme, — n’avait-il pas publié l’Ennemi des Lois — à son tour voulut m’interviewer, — C’était la série ! — De lui aussi j’ai oublié sur quoi roula notre conversation. Tout ce qu’il en reste, c’est que je fus frappé par son profil d’oiseau, et qu’il épata les camarades par l’excellence de ses cigares, qu’il jetait après en avoir tiré deux ou trois bouffées.

J’ai également oublié où il publia l’article qu’il tira de notre entrevue. On sait comme il a fini.

Mais un nouveau locataire était venu augmenter notre colonie. Paul Lafargue nous rejoignit un jour. Dans la région de Lille, les guesdistes avaient fait une propagande électorale intense. Je ne suis pas sûr qu’il n’y eût pas eu quelques tripotages avec les royalistes. Lafargue, détenu en province pour je ne sais plus quel délit de parole ou de presse, avait été élu député. En attendant que son élection fût validée, on l’avait amené à Sainte-Pélagie.

Comme homme il était charmant. Il m’apprit à jouer aux échecs. Mais politiquement, il était tout aussi jésuite que son beau-père Karl Marx.

En Espagne, il avait, dans un journal, publié les noms des adhérents de l’« Alliance Internationale », qui avaient pris le parti de Bakounine dans sa dispute avec Marx. Or, comme l’Internationale était interdite en Espagne en tant que société secrète, les camarades ainsi dénoncés furent emprisonnés.

Lafargue, pris à partie par ceux que révoltait cette