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incapable de parler en public. Je me contentai donc de déclarer au tribunal que j’avais inséré l’article parce qu’il disait ce que je pensais, et que je ne reconnaissais à personne le droit de m’empêcher de dire ce que je pensais. Que leur justice n’était que la loi du plus fort. Puisque ils étaient les plus forts, qu’ils fissent ce qu’ils voulaient : cela ne pouvait modifier ma façon de voir les choses.

Coût : 6 mois de prison, 100 francs d’amende.

La condamnation prononcée, je tournai le dos au tribunal en déclarant que mes idées ne s’en porteraient pas plus mal.

— Qu’avez-vous dit ? s’écria le président qui fit signe aux gardes de Paris de me fermer le passage.

— J’ai-dit-que-mes-idées-ne-s’en-porteraient-pas-plus-mal.

Le président resta bouche bée quelques secondes. Puis il finit par déclarer que je pouvais me retirer.

Les anarchistes étaient toujours sûrs d’écoper le maximum. Mais la Révolte était spécialement mal vue de la magistrature, à cause de son irrévérence envers elle. Déjà, au procès de Méreaux, l’avocat général avait réclamé sa condamnation, car le Révolté manquait par trop de respect envers la magistrature.

Avant que s’ouvrissent les débats, je trouvai à l’audience quelques camarades. Parmi eux, Almereyda, que je voyais pour la première fois. Dès l’abord il me fut antipathique par sa présomption.

Séverine qui avait eu la naïveté de gober les gasconnades de Guesde et sa secte, leur avait ouvert, ou plutôt, livré la rédaction du Cri du Peuple, qu’elle avait hérité de Jules Vallès. Ils avaient fini par faire le vide autour du journal, Elle résolut de s’en débarrasser, Elle me fit demander d’aller la voir, et là, me demanda d’écrire à Kropotkine s’il voulait collaborer. Elle serait enchantée de lui ouvrir les colonnes du Cri du Peuple.

Kropotkine refusa. Ce fut, je crois, un tort. Il aurait pu y faire de la bonne besogne.

Séverine se tourna vers d’autres, plus ou moins anarchisants, plus ou moins révolutionnaires, mais la plupart étaient médiocres. Il y avait, entre autres, un nommé