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réunions, manifestations, etc. C’était sur la proposition des socialistes d’Australie que cette décision avait été prise.

Le premier Mai 1890 se passa sans autres incidents que l’arrestation préventive d’un grand nombre d’anarchistes, entre autres celles de Merlino et Stoianoff, dont j’ai déjà parlé.

Mais le 1er Mai 91, les ouvriers de Fourmies organisèrent une manifestation pacifique. Parmi les manifestants se trouvaient des femmes, des enfants. La plupart d’entre eux étaient parés de fleurs, portaient des rameaux de verdure. Ils allaient réclamer la libération de camarades qui avaient été arrêtés la veille. Une bagarre s’engagea. L’ordre de tirer fut donné à la troupe. Quatorze tués et quarante blessés restèrent sur la route.

Ce ne fut qu’un cri d’indignation par tout le pays. Mais ce fut tout. Quand l’indignation se fut manifestée, l’oubli se fit.

Cependant il s’était trouvé un homme indépendant. Un capitaine, nommé Nercy, avait refusé de se soumettre à l’ordre qui lui enjoignait, la veille de la manifestation, de se rendre, avec ses hommes, à Fourmies, donnant pour raison de son refus que l’armée était faite pour défendre la frontière et non pour combattre des Français. Il fut destitué.

Les guesdistes s’emparèrent de lui et essayèrent de s’en faire un trophée. Mais le capitaine Nercy eut vite fait de les juger. Il les lâcha.

Par la suite, il publia un livre chez Stock : La Future Débâcle. Dans ce livre, l’auteur qui était un soldat dans l’âme, signalait les tares qui minaient l’armée, indiquant les réformes qui, selon lui, devaient rendre l’armée propre à sa tâche.

L’ayant rencontré chez Stock, je fis sa connaissance. L’homme n’était pas un aigle, mais, comme je l’ai dit, certainement un honnête homme.

Ce même 1er Mai, des camarades, une demi-douzaine, tentèrent une manifestation à Clichy, avec drapeau noir. Attaqués par les policiers, ils se défendirent à coups de revolver, en blessèrent plusieurs, mais succombèrent sous le nombre. Arrêtés, ils furent atrocement passes à tabac. Ils n’étaient pas encore remis des coups reçus lorsqu’ils passèrent en jugement dix ou douze jours plus tard.