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Il y avait dix-huit mois environ, que paraissait la Révolte lorsque un jour, Baillet arriva avec un numéro du Figaro contenant un article de Henry Fèvre, intitulé : « Reportage Anarchiste ».

Sous un masque de persiflage, c’était un exposé consciencieux des idées anarchistes, une appréciation sympathique de la Révolte. Il semble me rappeler que c’était Baillet qui avait dû documenter l’auteur. Car, quoique dans son article il parlât de notre mansarde et de son escalier en échelle de meunier, je ne me souvenais pas d’avoir vu Fèvre. À moins qu’il ne fût venu incognito. Je ne fis sa connaissance que plus tard.

L’article de Fèvre était notre première entrée dans la grande presse. Nous devions souvent l’occuper par la suite.

Entre temps, les bombes se remirent à parler. Il en éclata une à Lyon, au Palais de Justice, je crois, faisant du bruit sans aucun mal. Sur les murs, avait été placardée une proclamation donnant les motifs de cet acte des anarchistes.

Sur quelles raisons s’appuya la police pour soupçonner Monod, de Dijon, d’être l’auteur de cet acte ? je l’ignore. Toujours est-il que, policiers et magistrats se rendirent à son domicile, pour y perquisitionner.

Mais Monod était en voyage, ce qui n’empêcha pas que tout fut retourné chez lui. On fouilla même le berceau du nouveau-né. Et, là, sous la paillasse, on trouva un paquet bien ficelé. Cette fois, on le tenait. On avait découvert le pot-aux-roses ! Hélas ! ça n’avait rien de rose.

Vexés, robins et mouchards déguerpirent. Mais un mandat d’arrêt fut lancé contre Monod, qui s’était rendu à Paris, avait déclaré sa femme.

En effet, Monod était venu me rendre visite un soir, me laissant son havresac, — il avait fait le voyage à pied, je crois — me déclarant qu’il reviendrait le chercher le lendemain.

C’était un grand gaillard, large d’épaules, colossal. C’était un mélange de finesse et de naïveté.

Le lendemain de sa visite, — il n’était pas encore cinq heures, — on frappa à ma porte. Pensant que c’était Monod, j’ouvris… et trois policiers, dont l’un était Rossignol, firent irruption dans la pièce. Moi ayant sauté du lit en bannière, je les interrogeai.