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Ranc avait écrit pour l’ « Encyclopédie » dont Jules Mottu avait commencé la publication sous l’Ordre Moral.

L’idée de Baillet m’avait toujours paru excellente. Du reste, elle était dans l’air. Dès ses premiers numéros, le Révolté, de Genève, avait donné des extraits d’auteurs qui étaient loin d’être anarchistes. Michel Achkinazy, sous le pseudonyme de Michel Delines, avait inauguré une rubrique : « Collaborations originales », où on donnait des articles de politiciens ou de réactionnaires à tous crins apportant des arguments à notre propagande.

Quand la place le permettait, j’avais continué la rubrique. Et, lorsque, à la suite des persécutions que la « libre » Helvétie n’a jamais marchandées aux défenseurs des idées d’émancipation, je dus transporter le Révolté à Paris, l’idée d’y ajouter un supplément littéraire se présenta tout de suite à mon esprit, lorsque je cherchai quelle nouvelle amélioration apporter à notre organe.

Je fis part de mon idée à Reclus et à Kropotkine. Ceux-ci ne furent pas encourageants. Leur principale objection était que, « au bout de très peu de temps, nous manquerions de matériaux pour composer notre supplément. Mais j’étais toujours libre de tenter l’essai » !

Dans le troisième numéro de la Révolte, je publiai une lettre qu’un camarade m’écrivait pour approuver l’idée. Au n° 8 j’annonçai l’apparition du supplément. Au n° 10, paraissait le premier numéro. Ce fut toute la publicité qui fut faite.

Il contenait des extraits de L. de Grammont, Chamfort, Zola, Condorcet, Quételet, Sismondi et A. de Vigny. Plus une poésie d’Hégésippe Moreau. Le supplément était lancé, il dura vingt-sept ans, et ne mourut qu’avec les Temps Nouveaux, ayant toujours eu plus de copie qu’il ne pouvait en contenir.

Dès ses débuts, le « Supplément » fut très apprécié. D’aucuns, même, m’écrivirent pour trouver qu’il était bien plus intéressant que le journal. Si c’était flatteur en un sens, ça l’était moins d’un autre.

Les auteurs reproduits l’apprécièrent autant que les lecteurs. J’ai un énorme dossier de lettres d’eux accordant