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Ayant ouvert un tiroir de ma commode, il en tira une liasse de papiers à en-tête de la Chambre des Députés avec des enveloppes de la même provenance.

— Ça ne devrait pas être ici, me dit-il, d’un air lugubre. Rien à répondre à cela. Mais il était indéniable qu’ils y étaient tout de même.

— D’où les tenez-vous ?

— Ça, c’est mon affaire,

— Savez-vous que c’est un vol ?

— Comme contribuable, j’en ai bien payé une partie.

Il s’en alla emportant son trophée. Pour cette fois, je ne réclamai pas la restitution de ce qui m’avait été pris.

Quand au papier à lettres, c’était Crié qui, étant secrétaire d’un député, en avait comme il voulait et m’en avait donné un paquet.

Aux États-Unis, avaient été condamnés à mort, Spies, Parsons et cinq autres de nos camarades, pour avoir — d’après l’accusation — lancé des bombes dans une réunion envahie par la police. Les envahisseurs appartenaient à l’agence privée de détectives connue sous le nom de son organisateur, Pinkerton.

Une campagne internationale fut menée vigoureusement en faveur des condamnés. Rien ne put les sauver. La bourgeoisie américaine était résolue à faire un exemple. Et quoique aucune preuve n’eût pu être apportée contre eux, — ceux qui les avaient condamnés le sachant mieux que tous autres, — ils furent pendus le 11 novembre 1887. Nos amis avaient su grouper des forces ouvrières importantes : il fallait semer la terreur !

Plus tard, un honnête homme, chose rare chez les politiciens, le gouverneur de l’Illinois, un nommé Algeldt, fit réviser leur procès et proclamer leur innocence. Il fut prouvé que la bombe avait été jetée par un policier inspiré par un capitaine de police sous les ordres duquel il était.

Ceux des condamnés qui étaient encore au bagne furent remis en liberté. Mais rien ne peut faire revivre les morts !