Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous les excitations de cet individu que Méreaux s’était trouvé comme détraqué ?

Il fut condamné à cinq ans de prison, à la suite de son acte, quoique les policiers en eussent été quittes pour une simple égratignure reçue par l’un d’eux.

Il fit ses cinq ans à Poissy. Lorsqu’il en sortit, il n’éprouva plus le besoin de venir me réveiller à cinq heures du matin.

Il fonda un groupe d’études à Montreuil où il habitait. Ce fut ce groupe, appelé « Les Soirées de Montreuil », qui donna l’idée de cet autre mouvement qui prit naissance à la suite de l’affaire Dreyfus, connu sous le nom d’ « Universités Populaires », où des professeurs, des écrivains libéralisant, allaient faire des conférences sur des sujets divers. Et, il faut bien le dire, d’aucuns y faisaient leur apprentissage de conférenciers politiques.

Un ex-anarchiste, individualiste avant la lettre, qui préconisait le vol, et prétendait que l’on n’était pas un homme tant que l’on n’avait pas eu la syphilis, exploita ce mouvement auprès des bourgeois dreyfusistes, en s’en prétendant l’inventeur. Il a fini par se faire positiviste.

La Révolte ayant remplacé le Révolté, le journal continua son petit bonhomme de chemin. Ayant des hauts — pas très hauts — et des bas, publiant des brochures lorsque l’état de la caisse — ou le crédit — le permettait. Paraissant en retard ou pas du tout, de temps à autre, lorsque les fonds étaient en baisse.

Ayant conservé les mêmes caractères, et pour le titre, et pour la composition du journal, ainsi que le même format, je croyais défier audacieusement l’autorité, alors que j’aurais pu, tout bonnement, continuer le journal sous son nom de Révolté.

Jusque-là, la police nous avait laissés tranquilles, lorsqu’un jour d’hiver, vers les quatre heures du soir, la nuit commençant à venir, s’amena un monsieur qui, sortant un chiffon tricolore de sa poche, se disant commissaire de police, me déclara être chargé de faire perquisition au bureau. Pour quel motif ? Je l’ai complètement oublié, je ne l’ai jamais su.