Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

route pour aller chez lui, nous passâmes près de deux vieilles femmes qui marchaient devant nous, causant de leurs petites affaires. À l’une d’elles il manquait deux ou trois sous pour un achat quelconque. Elle était désolée d’être forcée de pousser jusque chez elle pour chercher l’argent.

L’autre n’avait pas d’argent non plus, Comment faire ? Spontanément, tirant les trois sous de sa poche, Reclus les offrit à la dame à laquelle ils manquaient : « Excusez-moi, madame, dit-il, mais permettez-moi de vous tirer d’embarras. Une si petite somme ! »

Je n’ai jamais vu de personnes aussi choquées de cette hardiesse, que le parurent les deux bonnes femmes. Reclus leur aurait fait des propositions déshonnêtes, que, parole d’honneur, elles n’eussent pas été plus scandalisées. Reclus dut remettre ses trois sous dans sa poche.

Cette histoire en rappelle une autre qui fut contée à ma femme par la femme d’un professeur de Cambridge fort connu.

Élisée s’était rendu chez eux, étant allé à Londres, pour consulter quelques documents qu’il savait trouver au British Museum. Il était parti le matin pour aller faire ces recherches, devant quitter Londres le lendemain, de bonne heure.

Il était tard lorsqu’il rentra, le soir. On lui demanda s’il avait trouvé ce qu’il cherchait. Et Reclus d’avouer qu’il n’avait pas eu le temps…

En arrivant au British Museum il était tombé sur un groupe de visiteurs — qui lui étaient totalement inconnus — arrêtés devant les frises du Parthénon, connues en Angleterre sous le nom d’Elgin’s Marbles.

L’attitude de ces visiteurs était si visiblement embarrassée que Reclus ne put s’empêcher de venir à leur secours, leur expliquant ce devant quoi ils semblaient ahuris.

De fil en aiguille, il avait, avec eux, fait le tour des galeries, tâchant de les initier aux beautés devant lesquelles il les arrêtait. Tant et si bien que l’heure de la fermeture était arrivée et Reclus avait dû rentrer bredouille.

Le plus drôle, c’est que lorsqu’il prit congé de ses protégés, ils s’étaient consultés, à part, pour décider s’il ne