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Sitôt entré, Martinet se mit à déclamer :

— J’ai été traité de mouchard par Rochefort. Je vous apporte une protestation à insérer.

— Vous auriez pu vous épargner cette peine, Je n’insérerai certainement pas votre protestation.

— Pourquoi ?

— Parce que, comme Rochefort, je crois que vous n’êtes qu’un mouchard.

— Les preuves ?

— Adressez-vous à Rochefort qui dit les avoir.

— Oui, je sais. Vous voudriez tous m’envoyer au bagne, mais vous n’y réussirez pas.

— Assez de déclamation. Tournez-moi les talons, et vivement.

Martinet s’en alla, continuant à menacer.

Contre moi il s’en tint là. Mais, pour les mêmes raisons ayant eu, plus tard, des démêlés avec Pouget, il s’embusqua, une nuit, près du domicile de ce dernier. Lorsque celui-ci rentra d’une réunion, il lui tomba dessus.

Quand commencèrent les manifestations en faveur du 1er Mai, un camarade bulgare, nommé Stoianoff, et Merlino, — ce dernier ayant quitté la magistrature italienne pour venir à l’anarchie, — s’avisèrent d’écrire un manifeste à cette occasion, et de le composer à l’imprimerie, où en train de le tirer, on vint les arrêter.

Je n’ai jamais soupçonné Cabot, c’était le nom du compositeur, d’être de la police. Mais c’était certainement ses accointances avec Martinet qui avaient mis la police sur la trace de nos camarades.

Étant gérant du journal, j’avais jugé que, pour la sûreté de l’imprimerie, il serait imprudent de louer le local à mon nom. J’avais donc demandé à Paul Reclus de nous prêter le sien.

Après l’arrestation de nos amis, je jugeai que Cabot devenait trop dangereux, Je demandai à Paul Reclus son appui pour remercier l’indésirable.

— J’ai eu des centaines d’hommes sous mes ordres, me répondit-il, je n’ai jamais renvoyé personne.