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quarteron », Les anarchistes étaient devenus nombreux. Une manifestation des sans-travail avait eu lieu, au cours de laquelle une ou deux boulangeries avaient été mises au pillage. À la suite desdits événements, Louise Michel et Pouget avaient été arrêtés et condamnés à cinq ans de prison.

La Chambre syndicale des menuisiers, composée d’éléments anarchistes, avait, de son côté, mené un fort mouvement anarchiste. Mais quelques « sales gueules » en avaient profité pour se glisser parmi nous et avaient commencé un travail de désagrégation qui fut continué avec persévérance.

À l’un des nombreux procès que la Chambre syndicale mentionnée ci-dessus eut à soutenir, les accusés firent venir comme témoin à décharge un nommé Martinet qui, par son bagout, avait su les embobeliner,

Au procès, il s’embarqua en un long discours, mais le président l’arrêta et fit lire son casier judiciaire orné de nombreuses condamnations dont pas mal pour attentats à la pudeur, outrages aux mœurs, etc.

Le sire sut s’en tirer avec habileté, avouant son indignité, mais demandant au tribunal de ne pas la faire retomber sur les accusés qui ignoraient son passé.

Loin de lui nuire, la « sortie » du président ne fit que le rendre sympathique à certains groupes. Comment ne pas admirer un gaillard qui avouait si franchement ses erreurs, et faisait son « mea culpa ». C’est ainsi que le bonhomme put s’infiltrer dans les groupes, où son toupet et son bagout surent lui acquérir une certaine notoriété.

Ce fut sous son influence que commencèrent à germer les idées ultra-individualistes qui, par la suite, devaient faire tant de tort au mouvement anarchiste.

Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour me rendre compte que, au train dont ça allait, l’anarchie ne serait bientôt plus qu’un parti de cambrioleurs, de souteneurs et de faux monnayeurs, si on ne se mettait en travers de cette « marche à l’égout »,

Ce fut dans cet esprit que j’insérai l’article de Gautier que m’avait remis Crié. Article qui fut bientôt suivi d’un autre sur les voleurs, qui en amena un troisième sur la morale, lesquels me valurent de sérieuses « engueulades » par ceux qui se sentaient visés.