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zèle. Pris pour je ne sais plus quel délit de parole, il fut condamné a deux ans de prison.

Vers la fin de 1883, Reclus vint me trouver — sur la suggestion de Sophie Kropotkine — pour me demander si je voulais aller à Genève m’occuper de l’administration du Révolté, en remplacement du camarade qui y était, et qui, ayant femme et enfants, ne pouvait plus supporter la « purée » dans laquelle lui et sa famille végétaient depuis trop longtemps. Il fallait quelqu’un qui n’eût qu’à penser à sa peau.

Aller à Genève me souriait assez. Voir du pays ! Apprendre un nouveau métier ! — je devais composer le journal — j’acceptai d’emblée. Lorsqu’il fallut conclure, la réflexion étant venue, je terminai par où j’aurais dû commencer, en disant à Reclus : « Mais, est-ce que je serai capable de m’en tirer ? »

Je n’avais mis les pieds dans une imprimerie que pour aider à l’expédition de l’Egalité, de Guesde ; C’était insuffisant comme apprentissage.

— Il n’y a qu’à vouloir, fit Reclus. Vous apprendrez.

— Bon ! S’il n’y a qu’à vouloir, j’accepte.

Mais comme je pensais à me marier, et n’envisageais pas de me fixer à Genève, je fis la réserve que je ne m’engageais que pour six mois.

— Bon, bon, fit Reclus, on verra.

Les six mois durèrent trente et un ans. Et encore fallut-il la guerre pour y mettre fin.

Je logeai mes meubles et outils chez un parent de Seigné, et partis pour Genève.

La première journée cela alla bien. Le camarade que je devais remplacer m’apprit la casse et à tenir le composteur. Le lendemain j’attendis vainement le camarade, je ne le revis que quelques jours après. Il devait du reste continuer à s’occuper de la rédaction.