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ment, puisqu’il n’existait aucune preuve contre vous, mais innocent ! permettez-moi d’en douter.

Et comme il persistait, je lui donnai le nom de celui qui lui avait procuré la dynamite, un camarade fort connu dans le mouvement, qui, lui-même, me l’avait confié.

Après tout, à force de nier sa participation à l’attentat, peut-être Cyvoct avait-il fini par croire lui-même à son innocence !

Et cependant, Cyvoct n’avait pas été trop maltraité au bagne — relativement à d’autres, bien entendu — puisque, en dernier lieu, il était employé à la pharmacie. En considérant ce qu’il était devenu, on se demande ce qui doit rester de ceux à qui le régime est appliqué dans toute sa rigueur.

Cyvoct disparut du mouvement.

Bernard, Bordat et quelques autres camarades avaient décidé de faire appel du jugement. Le procès s’ouvrit à nouveau vers la fin de février 1883.

Le procès d’appel était en cours lorsque j’arrivai à Lyon. Je n’eus rien de plus pressé que de me rendre à une des audiences, où je pus serrer la main des camarades, y étant arrivé avant que la séance fût commencée.

Au cours de l’audience, il fut donné lecture de plusieurs lettres de moi qui avaient été saisies chez l’un ou l’autre des accusés. Tant et si bien que Tressaud, un camarade de Marseille, chez qui on en avait saisi aussi, s’écria : « Mais, enfin, si c’était si défendu de correspondre avec Grave, pourquoi n’est-il pas ici, avec nous » ? Ce qui fit tourner, souriant, les autres accusés vers moi.

C’était chez Lemoine que se faisait la préparation des envois de vivres pour les détenus. Toute la famille s’y employait avec zèle et entrain. Mme Lemoine secondait admirablement son mari, et les enfants de même. C’est curieux comme tous ces « contempteurs » de la famille font de bons époux ou épouses, et de bons pères ou bonnes mères de famille.

Le camarade Lemoine ne tarda pas à payer pour son