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res et demie. Nous pensons que, peut-être, ça serait mieux de nous présenter ensemble. Comment va-t-on s’arranger ? Je n’ai pas le temps de revoir les autres.

— N’importe ! Je serai au rendez-vous. Clément me prendra à l’heure que je me présenterai.

Le lendemain, j’étais au rendez-vous, à l’heure. Vaillat était là, mais il était près de quatre heures lorsque les autres arrivèrent.

Après une courte discussion, ils avaient changé d’opinion. Il était fort possible que nous soyons arrêtés. Ne valait-il pas mieux que l’un de nous passât devant ? S’il était arrêté, ne le voyant pas revenir, les autres auraient le temps d’avertir la presse. Qui serait le premier ?

Là-dessus, pas d’erreur, puisque j’étais convoqué le premier, c’était donc à moi « à me dévouer » !

Je trouvai Clément dans son bureau,

— C’est vous monsieur Grave ! C’est que… voila ! Je vous avais convoqué pour deux heures. J’ai quarante-quatre questions à vous poser. J’en aurai au moins pour deux heures avec vous. Vos camarades sont convoqués pour quatre heures — ils sont déjà là. — Je serai forcé de les faire attendre. Enfin ! comme vous voyez, ce n’est pas ma faute.

— Pas la mienne, non plus. Je n’ai pas pu venir avant. Il s’installa à son bureau, me fit asseoir, et la comédie commença.

À chaque question :

— Je n’ai pas à répondre. Je refuse de répondre.

Comme cela, malgré toutes les circonlocutions de Clément, nous arrivâmes très vite au bout du chapelet.

— Maintenant, fit Clément, toujours souriant, on va vous lire votre interrogatoire. Ce qui fut fait.

Et, lorsque la lecture fut terminée, comme si ça allait de soi :

— Vous signez votre interrogatoire, et il me tendit la plume.

— Non, je ne signe pas.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne signe pas.

— Oh ! vous êtes parfaitement libre, fit Clément, qui était un bien trop vieux routier pour être surpris.