Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouvaient immédiatement derrière moi et qui se répétaient mon nom n’avaient qu’à m’inviter à les suivre.

Mais, que je réside en France ou en Suisse, il importe peu. Si vous désirez instruire mon procès, je m’empresserai de répondre à votre invitation personnelle. Indiquez-moi le lieu et l’heure. Au moment fixé, je frapperai à la porte de la prison désignée.

Elisée Reclus.

Le ton digne de cette lettre imposa silence à quelques-uns des valets de plume. Les autres ne savaient pas assez ce que signifie dignité pour comprendre.

L’Ananieff dont parlait Reclus dans sa lettre était le beau-frère de Kropotkine, qui était mourant chez notre ami, quand les sbires y allèrent perquisitionner et tout bouleverser.

Entre temps, j’avais reçu — c’était bien six à sept semaines après mon arrestation — une invitation de Clément, commissaire aux délégations judiciaires. Clément était déjà commissaire à tout faire sous l’Empire, que les pseudo-républicains n’étaient pas dégoûtés d’employer à leur tour.

Je me grattai l’oreille, mais rien à faire. Il fallait, — comme on dît — passer par là ou par la porte.

La veille de l’entrevue je me préparais à aller me coucher, lorsque Vaillat se présenta.

— Tu as reçu ta convocation, me dit-il, que comptes-tu faire ?

Les arrestations se multipliaient en province.

— Que veux-tu que je fasse ? Me rendre à la convocation. Je n’avais pas le sou pour me cacher, encore moins pour filer à l’étranger et donner à la bourrasque le temps de s’apaiser. J’étais à la discrétion de l’autorité, tout autant que si j’avais eté à Mazas.

— Pour quelle heure es-tu convoqué ?

— Pour deux heures.

— Diable ! Nous autres nous sommes convoqués pour quatre, quatre et demie et cinq heures. Nous nous sommes donné rendez-vous : Crié, Hémery-Dufoug et moi pour trois heures croyant que tu étais convoqué pour trois heu-