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serons bien au-dessous. Si chacun d’eux avait voulu — et qu’il y eût eu une organisation pour centraliser les souscriptions — verser seulement 0, 50 par mois — je parle en monnaie d’avant-guerre — cela aurait fait 120 000 fr. par an. Cette somme centralisée pendant 10 ou 20 ans, on aurait eu de quoi faire le quotidien après lequel les anarchistes ont soupiré si longtemps, ou subventionner des propagandes que nous ne fûmes jamais capables même d’envisager, faute de fonds.

Et, je le répète, 20 000 anarchistes est un minimum. Pourtant notre personnel de propagande ne s’accroissait que très lentement ; les nouveaux venus ne faisant que remplacer ceux qui disparaissaient, et nous laissant toujours patauger dans les mêmes difficultés.

Je suppose que les individus n’ont qu’une certaine énergie à dépenser pour la diffusion d’idées d’ordre général. Cette énergie dépensée, ils retombent dans la masse qui regarde faire, se désintéressant des idées d’émancipation. Cette « masse veule », pour laquelle d’aucuns n’avaient pas assez de mépris.

Quoique retirés de la lutte, quelques-uns, cependant, conservaient leur façon de penser. On les voyait reparaître aux périodes d’agitation. Mais, phénomène curieux, quoique ayant connu les difficultés de la propagande, on ne voyait jamais figurer leur nom aux souscriptions.

On se demandera comment, en définitive, j’arrivai à combler le déficit de quelques milliers de francs qui clôturait l’exercice de chaque année ?

Comme je l’ai dit, par deux fois, Pissarro paya nos dettes. Comme droits d’auteur, je touchai, pour mes livres chez Stock, une dizaine de mille francs qui s’engouffrèrent dans notre budget si instable.

Tout gosse, j’avais commencé une collection de timbres-poste, que nos relations mondiales me permirent d’augmenter. Un jour de dèche noire, je me décidai à la vendre. Elle me fut payée 800 fr, Aujourd’hui, elle en vaudrait 30 ou 40 000.

Une autre fois, Stock étant embarrassé pour payer ses droits d’auteur à Kropotkine, il fut convenu que je prendrais des volumes et que je solderais Kropotkine, Je crois bien qu’il lui est redu, de ce fait, deux cents francs qui furent digérés par le journal.