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dont les articles ne tardèrent pas à atteindre un ton auquel, jusque-là, justiciarts et gouvernants n’étaient pas habitués. Le Droit Social dut disparaître sous les amendes et les années de prison dont les robins gratifièrent ses gérants, Mais ce ne fut que pour céder la place à l’Étendard Révolutionnaire, dont, pour ne pas perdre de temps, le premier numéro fut déféré à la cour d’assises, La lutte dura jusqu’en juin 1884, c’est-à-dire deux ans.

À l’Étendard succéda la Lutte, qui céda la place au Drapeau Noir, qui fut suivi de l’Émeute qui, elle-même fut remplacée par le Défi. Mais ici, la course à la mort s’accélère. Les nouveaux journaux sont tués au bout de deux ou trois numéros. Après le Défi parut l’Hydre Anarchiste qui eut six numéros ; l’Alarme qui vint ensuite alla jusqu’à huit. Mais le Droit Anarchiste qui lui succéda, tout comme le Défi, n’en eut que trois. Les gérants se succédaient sans interruption. La ténacité anarchiste ne pliant nullement devant les tracasseries, ce fut l’argent qui manqua, pour continuer la lutte.

Je reviens à mes moutons.

Le 18 octobre 1832 s’ouvrait le procès des ouvriers arrêtés à Montceau, Blanzy et autres localités dépendant du fief Chagot. La même semaine, on arrêtait Bordat, Bernard, à Lyon. À Paris, nous fûmes cinq à profiter du coche.

C’étaient : Crié, secrétaire de rédaction à la Bataille, de Lissagaray, Vaillat, Hémery-Dufoug, orateur populaire dans les réunions, et moi. Il y avait bien un sixième mandat, destine à E. Gautier, mais celui-ci avait organisé une tournée de conférences et se trouvait en route, lorsque les arrestations furent opérées.

Il m’a même été dit que Gautier, ayant eu vent de ce qui se préparait par Goron, chef de la Sûreté, — un ami de collège — avait organisé cette tournée qui devait le mener à Genève, en vue d’arriver dans cette ville avant que crevât l’orage.

Si la chose est vraie, son calcul tourna contre lui, car, se trouvant à Lyon au moment des opérations judiciaires, ce fut là qu’il fut cueilli, emprisonné et trouvé « bon » pour le procès qui se préparait.