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Qui était-elle ? Je ne lui avais jamais demandé son nom.

Un jour elle vint, accompagnée par un gros garçon, blond, joufflu, ayant l’air fort réjoui. Elle me le présenta comme son mari, Albert Métin. Tous deux faisaient partie du « Groupe des Étudiants socialistes révolutionnaires ».

Par la suite, Métin prit l’habitude de venir bavarder, mais je le trouvais superficiel et très inférieur à sa femme.

Il parut vouloir s’intéresser au journal. Un jour, il me demanda où en était la situation ? Ce fut la réponse habituelle : financièrement, elle n’était pas brillante.

— Cela ne peut pas continuer ainsi, me fit-il, d’un ton résolu, Je vais m’occuper de récolter des souscripteurs. Autour de moi, je vous promets de trouver au moins 40 fr. par mois. De plus, je vous enverrai des articles. Donnez-moi les journaux anglais, flamands, espagnols, italiens, je vous en tirerai le « Mouvement social ». Il faut que les Temps Nouveaux marchent.

Je lui fis un paquet de tous les journaux dernièrement arrivés, me félicitant d’avoir trouvé un collaborateur si actif !

Trois ou quatre semaines se passèrent. Il revint, me rapportant les journaux, mais ni articles ni mouvement social. Ses occupations ne lui permettaient plus de faire le travail promis. Quant aux souscriptions : néant.

J’appris par la suite qu’il venait d’être nommé à la chaire d’histoire, à l’Hôtel de Ville, en remplacement de Louis Ménard.

L’hiver d’après, je le rencontrai au cours de Manouvrier, à l’École d’Anthropologie. Il était plein d’importance, me demandant, avec grande condescendance, comment allait le mouvement, faisant les critiques d’une façon détachée, comme quelqu’un qui voit de bien plus haut, et surtout de très loin.

Je ne le revis plus. Ayant obtenu une bourse de voyage, il visita l’Australie et les îles d’alentour. Le voyage était de 6 mois. Il en rapporta deux bouquins.

Lancé dans la politique, il devint ministre. L’anarchie n’est pas une entrave… si on sait en sortir à temps !