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XXIII

KALÉIDOSCOPE


Dans un mouvement qui combat tout ce qui existe, qui critique la morale courante, sans avoir encore bien pu définir la sienne, il est inévitable qu’il se trouve toutes sortes d’individus. Les meilleurs comme les pires. Des sincères comme d’autres qui, dans les idées émises, ne cherchent que la justification de leurs appétits ou de leur vanité. D’intelligents comme des détraqués.

C’est dire que, pendant mes quarante ans de propagande, j’ai vu défiler toutes sortes de figures. Dans ce chapitre, j’en introduirai quelques-unes qui n’ont pu trouver place dans les chapitres précédents.

Au retour de la Nouvelle-Calédonie, Louise Michel était allée habiter Levallois-Perret. Je lui rendis visite un jour. Son portrait a été fait trop souvent pour qu’il soit nécessaire de le retracer. Tout a été dit sur son désintéressement, sa générosité qui allait — il faut nommer les choses par leur nom — jusqu’à la bêtise, car elle était exploitée par un tas de ruffians qui spéculaient sur son bon cœur. Elle abandonnait son dernier morceau de pain au premier mendigot venu qui, bien souvent, en avait moins besoin qu’elle.

Incapable du moindre mal, elle ne voulait voir que des petits saints dans ceux qui l’approchaient. Sa bonté s’étendait même à des personnages assez louches, ce qui est gênant, parfois, dans la propagande.