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été prise. Le lendemain, je recevais une lettre de lui, disant qu’il lui avait été désagréable de nous le dire de vive voix, mais que les camarades avaient décidé de garder le titre.

C’était donc la rupture.

Comme sur les 2 ou 300 abonnés qu’ils avaient ramassés, il y en avait bien les 80 centièmes qui étaient déjà d’anciens abonnés, il s’en trouva quelques-uns pour trouver étrange mon exclusion. Ils écrivirent aux « pirates » pour leur demander une explication.

Deux d’entre eux m’envoyèrent la réponse qu’ils avaient reçue. La lettre elle-même. Comme c’est bien l’écriture du signataire, donc, pas d’erreur :

31/7, 1920.
Mon cher…

Croyez-vous que la séparation ne nous a pas été pénible ? Nous avons fait tout notre possible pour l’éviter, Paul Reclus surtout, qui a une âme de chrétien. Quant à moi excédé, j’aurais rompu depuis longtemps.

Nous n’avons ni ambition ni vanité. Nous avons repris les Temps Nouveaux à l’instigation de Grave. Il demandait qu’on le déchargeât des dettes et de toute la cuisine du journal (administration, etc.).

Guérin accepta tout, — Je m’embarquai dans la galère sans aucune espèce d’enthousiasme, Grave retardant sans cesse son retour d’Angleterre et les camarades me pressant, Guérin et moi lançâmes le premier numéro, en juin 1919 — à la grande fureur de Grave.

Puis la vie continua à être impossible. Grave habite la banlieue, ne veut pas se déranger pour venir à Paris, et veut que tout marche sur ses ordres, comme lorsqu’il faisait tout seul le journal. Notre petit groupe faisait pour le mieux : nous étions régulièrement engueulés et excommuniés.

Heureusement, le vieux Tcherkesoff et Paul Reclus intervinrent pour dire à Grave qu’il n’avait pas la propriété exclusive de la propagande (et même des Temps Nouveaux). Et cela se remit à marcher plus ou moins bien.

Mais ce ne fut qu’une accalmie, Grave absent, était travaillé de la maladie de la méfiance, Guérin mort, il imagina qu’on avait voulu l’écarter. Aucune preuve ne le satisfit. Il nous en-