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père, et quelques autres dont la collaboration à l’ancien Journal avait été plutôt vague.

Bertrand commença à pontifier. C’était par solidarité pour moi que l’on s’était résigné à prendre le titre des Temps Nouveaux. Ils en étaient payés par la plus noire ingratitude. Enfin, ils étaient assez magnanimes pour passer là-dessus.

En passant, j’admirai la solidarité de ces gens, dont la première besogne avait été de vouloir me prendre comme paravent dans une publication dont ils entendaient être les maîtres, et qui, lorsque me refusant à ce rôle, je leur avais demandé de me laisser dire, dans ce qui avait été mon journal — puisqu’ils en avaient pris le litre — les raisons pour lesquelles je n’avais rien à faire dans le nouveau, s’y étaient absolument refusés.

N’étant pas venu pour entendre les gasconnades du sieur Bertrand, je l’interrompis lorsque je vis qu’il allait tenir toute la séance sur des questions d’à-côté. Je les avais fait réunir pour leur demander d’abandonner le titre : c’était cela que je voulais que l’on discute. Et me levant, je me préparai à quitter la pièce.

Pierrot, c’était chez lui que cela se passait, courut après nous, — ma femme m’accompagnait — me disant de ne pas m’emballer, que les choses s’arrangeraient, et d’attendre la fin. Et il nous fit passer dans une pièce contiguë. La porte de communication étant restée entr’ouverte, il nous venait des bribes de la discussion.

— Si vous renoncez au titre, disait Bertand, c’est la débâcle certaine, tandis que je vous promets 1 500 abonnés avant trois mois d’ici, si nous le gardons.

Tiens ! tiens ! ce n’était donc pas seulement pour mes beaux yeux que l’on s’était emparé du titre ?

Des murmures de voix, quelques paroles que je ne comprenais pas, d’autres chuchotements, puis la voix d’un homme que je ne nommerai pas, mais qui ne s’était jamais occupé du journal lorsqu’il vivait, qui affirmait que, « somme toute, Grave n’avait jamais été que leur mandataire ». Un comble !

D’autres chuchotements. La séance était finie. Pierrot vint nous délivrer, déclarant que l’on n’avait pas pris de décision. Qu’il nous ferait savoir lorsqu’une décision aurait