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avec eux. Mais, en rompant, je restais isolé. Et il y avait tant à faire pour remettre la propagande sur pied. Je continuai à « marcher ». Ce fut un tas de petites piqûres qui, à la fin, me firent comprendre que nous avions assez les uns des autres.

Quand les Temps Nouveaux paraissaient, m’avait-on assez reproché que le journal n’était pas vivant, ne faisant que de la théorie, ne sachant pas se tenir au courant de la vie active.

Ayant le temps, — n’étant plus tenu à la lutte journalière pour faire vivre le journal — je ramassai avec soin dans mes lectures tout ce qui était de nature à intéresser le lecteur — et la propagande — et l’envoyai pour l’insertion. C’était régulièrement mis au panier.

Personne ne s’intéressait à la bibliographie. Moi, ça m’intéressait, on me l’avait laissée. J’essayai de faire le travail consciencieusement. Il n’arriva qu’un seul volume intéressant : on ne me le remit qu’au bout de six mois, malgré mes réclamations réitérées. Un camarade de Guérin l’avait emprunté pour le lire !

Ne voulant pas passer pour un farceur, je donnai, dans mon compte-rendu, les raisons qui faisaient que j’en parlais si tard. On supprima le passage.

Ce qui me dégoûta le plus, c’est qu’il me vint aux oreilles que le sieur Bertrand — l’homme aux idées — revenait avec le projet que j’avais fait écarter au début : mettre le journal sous la coupe d’actionnaires. Mais, cette fois, par un détour.

On fonderait une coopérative de librairie et d’éditions. C’est à cette coopérative que l’on confierait le soin d’éditer le journal.

Je n’avais aucune objection contre la coopérative de librairie. Elle pouvait rendre des services. Mais j’en avais de fortes à mettre le journal à la merci d’un vote d’une assemblée qui pouvait nous mettre en désaccord avec elle.

J’écrivis à Pierrot que j’en avais assez, qu’à titre de conciliation, je voulais bien continuer de marcher avec eux, mais que j’exigeais qu’on abandonnât le titre des Temps Nouveaux.

Une réunion eut lieu. Étaient présents : Pierrot, Bullières, l’inévitable Bertrand et son fils, trop jeune pour avoir collaboré aux Temps Nouveaux, mais aussi prétentieux que son