Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien qu’ils eussent annoncé l’apparition, j’espérais que, au dernier moment, ils réfléchiraient. À une de mes lettres, Pierrot ne m’avait-il pas répondu : « Ne vous alarmez pas. Il n’y a rien de cassé ». À la fin, notre retour à Paris avait été décidé pour le milieu de juillet. Je les adjurai d’attendre.

Sitôt rentrés, ma femme et moi allâmes rendre visite à Guérin, Durant cette visite nous avions tant à nous dire qu’il ne fut pas question de ce qui nous divisait. Mais en partant, je dis à Guérin : « J’espère que vous avez réfléchi. Je reviendrai pour discuter la question à fond ».

— Oui, oui, fit Guérin.

Quelques jours après, j’apprenais que, à ce moment-là, il avait le numéro imprimé chez lui.

Non seulement, ils avaient passé outre à ma résistance, mais s’ils avaient eu soin de faire disparaître mon nom de la liste des collaborateurs, ils s’étaient bien gardé d’indiquer les raisons, comme je le leur avais demandé, qui faisaient que j’étais opposé à la tentative, et ma volonté qu’ils aient à changer de titre.

Aussi, lorsque je reçus le premier numéro, je rédigeai une protestation où le plus courtoisement possible, je faisais l’historique de nos divergences et donnais les raisons de mon opposition. On refusa d’insérer. Ce fut encore Pierrot qui servit de porte-parole à ces messieurs : « Si nous insérions votre protestation, me disait-il, nous passerions pour des vaniteux

— Je ne vous l’ai pas fait dire, lui répondis-je.

Moi, qui pendant les trente ans que j’avais dirigé le journal, n’avais pas même changé un mot à leurs articles, je trouvais un peu excessif que l’on me refusât dans un journal qui avait repris un titre que, à tous les points de vue, je pouvais considérer comme m’appartenant, l’insertion d’une note qui avait pour but de donner les raisons de mon exclusion.

Mais cela m’était dur de me trouver divisé avec les derniers camarades de lutte qui restaient. Je renouvelai ma protestation que, pour ne pas allonger ce chapitre outre mesure, je ne donnerai pas.

Je me déclarais prêt à marcher avec eux s’ils voulaient seulement changer le titre des Temps Nouveaux...

Cela ne fut pas davantage inséré. Mais on m’expédia