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Faute de trouver un meilleur emploi de mes forces, je discute les moyens que l’on nous propose pour le museler. Si je le fais avec moins de bruit que vous, c’est que je n’ai pas votre notoriété. Je veux la fin des guerres, la fin des armements, l’entente des peuples.

Seulement, convaincu que si ce sont les peuples qui se battent, ce sont les gouvernants qui ont voulu la guerre ou l’ont rendue possible, je ne veux pas en instituer un de plus, qui serait plus malfaisant, parce que plus puissant.

Vous assurez qu’il maintiendra la paix. Quelles garanties avez-vous qu’il sera mieux que les autres, recruté par les mêmes moyens, puisqu’il sera composé des mêmes hommes ?

Si Je voulais employer vos arguments, je vous dirais que votre projet n’est que la contre-partie du projet de Guillaume. Votre paix ne serait qu’une contrefaçon de paix allemande.

Sans doute, c’est prétentieux de la part d’une simple individualité de penser différemment que la majorité de ses contemporains, mais cela n’excuse personne, pas même Wells, d’affirmer que ceux qui se permettent d’être indépendants font le jeu de l’Allemagne.

C’est un argument que, pour ma part, je laisse aux journalistes de troisième ordre.

Avec mes salutations,

J. Grave.

La lettre resta sans réponse. Mais, plus tard, lorsqu’il revint de Russie, je lui écrivis pour savoir s’il avait des nouvelles de Kropotkine ; j’en reçus une réponse un peu plus amicale où il faisait allusion à notre petit attrapage.

Enfin, ce fut la fin du cauchemar. Arriva la nouvelle que l’armée allemande se débandait, que ses chefs avaient fait une demande d’armistice. Et puis, enfin, que cet armistice était signé.

Nous nous préparâmes à rentrer. J’avais pensé, faute de mieux, que nous pourrions provisoirement continuer la publication des petits bulletins dont Guérin avait pris l’initiative, quitte à élargir le format au fur et à mesure des possibilités.

Sa publication nous tiendrait en relation avec les camarades que nous pourrions y intéresser, et, ainsi pré-