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l’ai jamais entendu parler de lui-même ou se vanter de sa naissance.

Il m’a été dit qu’il avait beaucoup plus de droit que les Romanof à occuper le trône de Russie, comme descendant direct de Rurik,

Transféré à Clairvaux après sa condamnation à Lyon, là, en plus de ses travaux littéraires et scientifiques, il trouva le moyen d’organiser différents cours en vue d’aider à l’éducation de ses codétenus. Dans sa correspondance il était particulièrement intéressé à savoir comment se portait l’ « enfant ». L’enfant c’était le Révolté.

C’est là qu’il trouva le temps de revoir ses articles du Révolté et d’en faire le volume édité sous le titre Paroles d’un Révolté dont Reclus trouva le titre — il avait cette spécialité. Ce fut lui qui baptisa La Conquête du Pain, Autour d’une Vie, et l’Entr’aide, ainsi que mon livre La Société Mourante et l’Anarchie.

Quand, onze ans plus tard, je fis moi-même une visite à Clairvaux, grâce à ce dernier ouvrage, j’y trouvai la mémoire de Kropotkine parmi les officiels de la maison, directeur, inspecteur et même simple gardien, aussi fraîche que s’il l’eût quittée la veille, tellement ils avaient été impressionnés par sa personnalité.

Mais nos relations furent plutôt épistolaires, nous voyant seulement lorsqu’il passait par Paris, ou lors de mes non moins rares visites en Angleterre. Combien de lettres intéressantes j’ai dû brûler, alors que nous étions toujours à la veille d’une perquisition ou arrestation ! Non pas qu’elles fussent compromettantes, mais le Parquet, si anodines fussent-elles, était toujours porté à s’en faire une arme.

Lors d’une perquisition, on en avait saisi chez moi une de lui, où il me parlait du Révolté, mais, surtout, des fautes de ponctuation qu’il trouvait dans ma copie. Cette lettre fut lue au procès de Lyon. Quel rapport cela avait-il avec l’Internationale, c’est ce que je suis encore à me demander.

Je me rappelle une visite que ma femme et moi lui fîmes à Bordighera où il passait les vacances avec sa femme. Il était passionné de musique, de la musique russe surtout. Ce jour-là il nous en joua divers morceaux, ainsi que le Drapeau Rouge et le Chant des Travailleurs.

Attirées par les sons du piano, deux bonnes du voisinage