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Ce qui est bien certain, c’est qu’en Angleterre, l’opinion publique ne voulait pas de guerre. Il n’est même pas sûr que si l’Allemagne — manquant ici, comme en plusieurs autres cas au cours de la guerre, de psychologie, — n’avait pas violé la neutralité de la Belgique, l’Angleterre serait intervenue dans la lutte. Elle aurait eu à payer pour son abstention, si la France avait été battue.

Et cette impression, je ne la tire pas de ce que j’ai lu, mais de ce que j’ai vu et entendu.

Par sa situation, mon beau-frère recevait toutes sortes de gens officiels : professeurs, juges, militaires de tous grades, jusqu’à des généraux et des diplomates des pays alliés, venus en mission en Angleterre. J’y ai même vu des évêques.

Tous, je les ai entendus déplorer la guerre et qu’elle n’ait pu être évitée ; souhaiter au moins, qu’elle fût la fin du militarisme, des massacres et de la diplomatie secrète, tous désolidarisant le peuple allemand de ses gouvernants.

J’ai accompagné ma belle-sœur dans ses visites aux vieilles familles aristocratiques des environs, où on me faisait admirer les peintures de Van Dyck, Reynolds, et autres maîtres, représentant des ancêtres en cuirasse, en robe, en perruque ; chez tous, il n’y avait que le sentiment de l’horreur de la guerre, l’espoir d’en finir définitivement avec les massacres, les conquêtes.

Dans un de ces châteaux, dont les propriétaires étaient quelque peu apparentés à ma femme, on avait de proches parents officiers, tant dans l’armée allemande que dans l’armée anglaise. Ce qui était une raison de plus de ne pas vouloir la guerre.

Oh ! sans doute, comme dans chaque pays, il y avait en Angleterre une catégorie de mercantis auxquels la guerre n’était qu’une occasion de profits scandaleux, et qui la désiraient. Mais ils n’étaient pas l’opinion.

Et ce n’était pas dans le peuple qu’il fallait aller chercher les partisans de la guerre. Chez lui, surtout, ce fut la violation du territoire belge qui fut, au début, la cause déterminante des enrôlements qui, en peu de temps, per-