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tion, il consentit à opérer le déménagement. Avec son aide, celle de Girard, nous emballâmes ce que nous pûmes de livres, linge, meubles, tableaux auxquels nous tenions le plus, qui furent transportés chez nos amis.

Après avoir soupé chez eux, le mardi soir, nous allâmes dormir dans un hôtel, prés de la gare Saint-Lazare, afin d’être prêts, le lendemain, à la première heure, pour prendre le train.

Nous eûmes à traverser Paris sans lumières. C’était lugubre. En arrivant sur la place du Havre tous étaient en commotion. Un avion allemand venait de laisser tomber une bombe qui, je crois, avait dû blesser quelqu’un.

Le lendemain, à 5 heures du matin, nous étions au milieu d’une foule surexcitée, sur le quai d’embarquement de la gare. Mais les trains ne furent mis en marche qu’à 9 heures. Nous n’emportions qu’un sac de toilette et ce que nous avions sur le dos.

À Dieppe, la foule était encore plus affolée. Ce fut une ruée pour s’embarquer, les hommes étant les pires de tous. Ils auraient écrasé femmes et enfants. On dut établir des barrages.

À la fin, cependant, nous mîmes le pied sur le bateau. Il faisait une journée magnifique. La traversée dura quatre ou cinq heures. Contrairement à mon habitude, j’eus la chance de ne pas être malade. Au débarquement ça allait être encore la ruée. Mais elle fut arrêtée par la nécessité de remplir des cartes où il fallait indiquer son état-civil, d’où l’on venait, où on allait. Cela demanda je ne sais plus combien d’heures avant que l’on puisse débarquer.

Nous étions à Folkestone, où nous restâmes quelques jours, ayant, sitôt débarqués, télégraphié aux sœurs de ma femme notre arrivée en Angleterre. Dans l’hôtel où nous étions, arrivaient, chaque jour, des réfugiés de Belgique fuyant l’invasion. Le bateau qui nous avait amenés en était plein. De pauvres diables sans ressources. Notre dernière vision de Paris, était un agent, sur la plate-forme de la gare élevant à bout de bras un malheureux marmot égaré par ses parents.

Nous nous rendîmes à Clifton, où demeurait une de mes belles-sœurs. Les premières nouvelles que nous apprîmes,