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points sur lesquels ils étaient en divergence, afin de mener à bien l’œuvre sur laquelle ils se seraient mis d’accord ? Au lieu de cela, chacun voulait être le maître de sa petite chapelle, se condamnant ainsi à l’éparpillement des efforts, et à l’insuccès.

Puisqu’il était impossible d’arrêter ce cataclysme déjà déclanché, je pensais que l’on pouvait combattre le débordement de réaction qui se dessinait, arrêter les féroces clameurs de germanophobie des super-patriotes. J’écrivis à Séverine, Mirbeau, A. France, Hermann-Paul, F. Jourdain et quelques autres pour leur proposer de s’entendre pour résister à ce retour vers la barbarie, faire entendre des paroles de raison, éclairer l’opinion publique, en lui faisant comprendre qu’il y avait à distinguer entre le peuple allemand et ses maîtres. Et, si les alliés étaient vainqueurs, être en mesure d’intervenir lorsque se ferait la paix, pour qu’elle ne soit pas une paix d’exploitation et d’oppression du vaincu.

Très peu me répondirent, et ceux qui le firent c’était pour me dire que la question était prématurée. Comme s’il était jamais trop tôt pour s’organiser en vue d’être prêt à faire face aux événements. La paix vint, et il ne se trouva personne pour agir sur l’opinion publique. Aussi, politiciens et financiers purent-ils, à leur aise, maquignonner la paix que l’on connaît.

Hermann-Paul m’écrivit qu’il avait vu A. France, que l’on allait s’occuper de la question, organiser quelque chose, créer un journal, mais je n’entendis plus parler de rien.

J’ai déjà noté le manque de parade chauviniste qui avait marqué l’entrée en guerre. On racontait, par contre, que, en divers endroits, de nombreux incidents — tous étaient-ils authentiques ? — s’étaient produits, indiquant que cette guerre était acceptée comme la fin d’une situation qui ne pouvait plus durer : comme la fin du militarisme