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par la chimie. Bayout se fit mon fournisseur en produits chimiques, éprouvettes, et tout ce qu’il fallait pour faire concurrence à Nobel, car je m’étais mis en tête de fabriquer de la nitro-glycérine, d’après les descriptions lues dans les journaux.

Ces recettes donnaient bien les proportions du mélange, mais négligeaient de dire si ces proportions étaient en volume ou en poids. J’en passai des soirées, — et aussi des heures dans la journée — et j’en dépensai des produits pour n’aboutir à rien !

Enfin, à force de patience et de ténacité, au lieu de dégager, comme d’habitude, son contingent de fumées, mon mélange resta clair, et je vis descendre au fond du vase, un liquide d’un beau jaune doré — ressemblant à peu près à de l’huile d’olive — c’était la nitro-glycérine ! J’étais sur la voie.

Je passai à un autre exercice. Il me fallait fabriquer le fulminate de mercure. Les mêmes difficultés se produisirent, les mêmes déboires.

Ce ne fut qu’après des centaines d’expériences que je vis les cristaux de fulminate se déposer au fond du bocal.

Mais j’étais pressé de vérifier. Je fis sécher le produit dans une cuvette sur le couvercle du poêle, — qui chauffait modérément, je dois l’ajouter pour atténuer mon imprudence — et, lorsque je le jugeai assez sec, j’en remplis une douille vide de revolver, et le couvris avec de la mie de pain. J’y introduisis la soie d’une lime, et allant dans le couloir, je laissai tomber le tout. Ce fut comme un coup de canon — un petit canon — qui éclata. Ramasser ma lime et disparaître chez moi fut l’affaire d’une seconde.

Fier de mes résultats, je les communiquai à deux camarades : Rozier et Seigné, et je leur passai mon matériel lorsque je partis pour la Suisse. Sans doute, ils bavardèrent, car ils furent arrêtés, après perquisition, et condamnés à quelques mois de prison.

Le mouvement anarchiste se développait rapidement. Des groupes s’étaient formés à Cette, Béziers, Marseille, Narbonne, dans le Gard, en Vaucluse, un peu partout.