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XIX

QUE FAIRE ?


Quoique le journal ne parût plus, j’allais tous les jours au bureau. J’y voyais quelques camarades. Et puis, qui sait ? Il pouvait y avoir occasion de faire quelque chose. On ne sait jamais ce qui peut arriver.

Chaque matin, le train que je prenais était bondé de mobilisés, accompagnés, le plus souvent, de leurs femmes. Des conversations que j’entendais, je pus conclure que la guerre — qui, certes, n’était pas désirée — était acceptée comme une cheminée qui vous tombe sur la tête, inévitable. On avait tellement été menacé de cette guerre, que la population, tout en la redoutant, avait fini par l’accepter comme inéluctable.

Les gens partaient sans enthousiasme, mais ils partaient. Tenter de leur faire comprendre qu’ils devaient refuser d’obéir, ou exiger des gouvernants des garanties contre la folie impérialiste, contre une aggravation militariste, n’avait aucune chance de succès. Le fléau déchaîné, il était impossible de l’arrêter.

Vint l’assassinat de Jaurès.

Les amis de Jaurès affirment que, vivant, il aurait, peut-être, pu empêcher la guerre. De cela, je doute fortement. Mais s’il n’avait pu arrêter le conflit, peut-être, lui, aurait-il su arracher au gouvernement quelques-unes des mesures que, en période révolutionnaire, les peuples conscients savent imposer à leurs maîtres. La mort de Jaurès fut, en effet, un grand malheur.

Quelle vie, ces quelques jours qui suivirent la déclaration de guerre ! et tout le mois d’août, se passant dans l’anxiété et l’attente de ce qui ne venait pas.