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val de bataille. Mais, cette fois, derrière lui et plus fort que lui, il y avait le parti militariste allemand qui, pendant quarante ans, avait prêché et préparé la guerre ; qui avait compris que, plus elle serait reculée, plus elle deviendrait impossible et qui était résolu à précipiter les événements. Pour ne pas se voir supplanter par le Kronprinz, Guillaume dut se mettre à la tête des partisans de la guerre.

J’étais en train de travailler à mon jardin, lorsque le samedi 1er  août, le crieur de Robinson annonça que la mobilisation était décrétée. Même encore, je voulais espérer que les choses s’arrangeraient au dernier moment.

Mais comme nous avions toujours été avertis que la mobilisation serait le signal de l’arrestation des anarchistes et leur relégation dans un camp de concentration, il ne me restait qu’une chose à faire : me mettre à l’abri.

Je dis adieu à ma femme et pris le train pour Paris, comptant aller demander asile au sculpteur Lefèvre, un de nos bons amis.

Place Denfert, je rencontrai un peintre avec lequel j’avais été très lié, mais qui s’était disputé avec un des rédacteurs du journal, ce qui avait eu pour effet de refroidir nos relations, de son côté tout au moins. Il ne m’invitait plus à aller le voir.

Nous nous mîmes à parler des événements. Je lui dis que j’étais à la recherche d’un ami qui pourrait me donner asile. Cela lui aurait été facile de me prendre, habitant un pavillon à lui tout seul. Mais il oublia de m’en faire l’offre.

Chez Lefèvre, la concierge m’apprit qu’il était à la campagne. Je pensai à Bertrand, mais, lui aussi, était absent, j’eus l’idée d’aller voir Luce. Mais il était près de onze heures du soir. J’étais éreinté, il aurait fallu aller à Auteuil pour ne trouver personne peut-être. J’y renonçai. Je retournai à Robinson où j’arrivai éreinté.

Je m’étendis tout habillé sur le lit, pour être prêt à me sauver par les jardins si les policiers s’étaient amenés.

Il ne vint personne. Mais, à quatre heures du matin, je repris, à pied cette fois, le chemin de Paris.

Vers les sept heures, j’arrivai harassé à la porte d’Orléans. J’achetai un journal. Il n’était fait mention d’aucune arrestation ou menace d’arrestation. Au contraire, on reproduisait une note du Bonnet Rouge où il était dit