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sa vie en dévoilant le crime dont il avait été témoin, lorsqu’il fut remis en liberté, tiré de droite, tiré de gauche par ceux qui voulaient s’en faire un piédestal, il se laissa circonvenir et eut une piètre attitude.

Pour en finir, les membres du Comité de Défense firent insérer dans la Bataille une longue diatribe contre moi, accompagnée de calomnies. Je leur envoyai ma réponse, mais ils refusèrent de l’insérer, sous prétexte de ne pas engager de discussions personnelles !

Je n’insistai pas, me contentant d’observer que, quoique faisant partie d’un journal ouvrier, ils se conduisaient comme de simples bourgeois.

La campagne Rousset fut notre chant du cygne. Elle avait été magnifique, mais ce fut notre dernier éclair de vitalité. Le journal se traîna péniblement, supprimant des pages les trois quarts du temps. Puis ce fut l’attentat de Sarajevo, dont je ne vis pas toutes les conséquences sur le champ.

À quoi bon rapporter l’angoisse qui pesa sur l’Europe lorsque se dégagea la certitude que la diplomatie faisait de son mieux, profitant de l’incident pour faire crever l’orage qu’elle prétendait vouloir détourner ? Ce furent des heures sombres et tragiques. Pour mon compte, il m’était impossible de croire qu’en plein vingtième siècle, les peuples seraient assez fous pour se laisser jeter les uns contre les autres. Personne n’osera prendre la responsabilité d’une tuerie semblable, pensais-je. Jusqu’au bout, j’espérais que le cataclysme serait évité.

Quoique voulant la guerre — lorsque Poincaré monta à la Présidence, le bruit ne courut-il pas qu’il avait dit que ça serait sous sa Présidence que l’Alsace-Lorraine reviendrait à la France ? — nos gouvernants n’auraient jamais osé en prendre la responsabilité.

Malheureusement, il n’en était pas de même en Allemagne. Je persiste à croire que Guillaume fut dépassé par les événements, que le fameux ultimatum n’était qu’un bluff, procédé dont il était assez coutumier, et qui lui réussissait si bien, puisque l’Europe s’empressait de lui céder tout ce qu’il demandait lorsqu’il enfourchait son che-