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pressai d’en aviser Bertrand, tout en le prévenant de ne rien augurer de ce que le déficit était au-dessous des prévisions. Il pouvait les dépasser le mois suivant.

Bertrand m’apporta les 200 fr., mais, à son grand regret, il se voyait obligé de me prévenir de ne plus compter sur lui. Au lieu de s’améliorer, sa situation chez son employeur était devenue plus médiocre par une diminution de travail et d’appointements.

Ce fut un coup de massue, mais le vin était tiré, il fallait le boire. Ma femme et moi apprîmes ce qu’il en coûte de faire fonds sur certaines promesses.

Plus tard, en causant, Bertrand laissa échapper que le motif de sa défection ne devait avoir effet qu’un an plus tard et qu’il avait un projet en vue où il y avait de l’or à gagner.

L’homme était encore plus mufle — ou plus inconscient — que je ne l’eusse cru.

Dans le numéro du 8 avril suivant, je dus faire part de la situation aux lecteurs, et leur demander leur concours pour une tombola. Ce qu’il y en eut de ces tombolas !

Il faut dire que les concours ne nous firent jamais défaut. Seulement, il me fallait les stimuler. Mon insistance finissait par me gêner.

Je ne me rappelle pas ce que rapporta cette tombola — je ne retrouve pas les comptes — mais il y eut 2 024 lots, tous donnés par les amis du journal, parmi lesquels, comme toujours, les artistes se distinguèrent.

Durant cette période, les « campagnes » furent nombreuses. Il y eut l’affaire de l’affiche antimilitariste. Un premier affichage ayant été poursuivi, il fut suivi d’un second, où figurèrent les signatures de plus d’un millier de camarades, protestant contre les poursuites.

Mais le Parquet fit un triage parmi les signataires, et se borna à en poursuivre moins d’une vingtaine qui, du reste, furent acquittés. Parmi eux étaient deux de nos collaborateurs, Charles-Albert et de Marmande. Tous les deux furent excellents, leurs petits froissements d’amour-propre n’ayant pas atteint le public.