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mon absence, j’en aurais profité pour lui demander si, lui, magistrat, devait ignorer qu’il est défendu de revenir sur la chose jugée !

Vers la même époque, une voisine qui habitait au rez-de-chaussée, dans la cour, me prit un jour à part pour me dire qu’elle était sûre que, certaines nuits, on s’introduisait dans le bureau.

Pour vérifier le fait, je couchai plusieurs nuits de suite au journal, sur la table, mais rien de suspect ne se produisit. Courbaturé, je cessai la surveillance, me contentant de faire mettre une serrure de sûreté.

La grève des typos nous avait ramenés à notre point de départ. Nous avions nos douze pages, nous avions des dessins, mais les difficultés financières s’en trouvaient d’autant augmentées.

J’eus recours à un expédient qui m’avait souvent été suggéré, mais que j’avais toujours repoussé : Mettre le numéro à 0 fr. 15.

Je m’attendais bien à un peu de baisse, mais pas à ce qu’elle fut ni où elle se fit.

Ce fut à Paris, surtout, que cette baisse fut appréciable. De 1 200 exemplaires que nous vendions, nous tombâmes à moins de 300. En province elle baissa seulement de 1 500 par mois.

Il faut dire, que, à ce moment, deux forts courants de déviation qui devaient miner le mouvement anarchiste commençaient à se développer. C’était l’individualisme et le néo-malthusianisme.

Mais le pis est, je crois, que notre mise à 0 fr. 15 coïncida avec l’apparition de La Guerre Sociale, qui, avec les individualistes, apportait à certains anarchistes ce révolutionnarisme de phrases que nous avions toujours refusé d’employer.

Jusque-là, on nous avait acceptés faute de mieux, mais, lorsque Hervé arriva avec sa Mamzelle Cisaille et son citoyen Browning, cela emballa tous ceux qui, enfin, avaient trouvé la feuille de leurs rêves, et qui pensaient que la moitié de la révolution était faite si leur journal,