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tombés entre les mains d’un policier ? La lettre de Stock m’avait bien été remise par la poste !

Oui, la lettre de Stock avait été en ma possession. Comment les policiers avaient-ils pu s’emparer de papiers m’appartenant ? Qui pourrait le dire ? Il arrivait au bureau toutes sortes de gens pour acheter des brochures. Quand j’avais le dos tourné pour les servir, il était facile de rafler sur la table ce qui était à portée.

Et, en effet, je ne voyais guère à donner que cette explication.

Parmi les arrêtés, il y avait bien un nommé Harvey dont le rôle dans cette affaire fut plus que suspect, et qui venait parfois au bureau. Mais il y avait des mois que lui et Vallina n’y avaient pas mis les pieds, et les papiers étaient de beaucoup postérieurs à leur dernière visite.

Pendant qu’il m’interrogeait, Leydet alla parler, par acoustique, à quelqu’un, lui donna rendez-vous pour le lendemain. « Bon, pensai-je, attendons-nous à quelque perquisition pour demain. Si pas pis ».

C’était une fausse alerte. Par les journaux du lendemain, j’appris qu’il s’était agi d’une expédition au domicile de Malato.

Le complot était si mal machiné que je ne fus plus inquiété, et les accusés furent acquittés.

Appelé comme témoin au procès, les accusés me firent demander qui je soupçonnais d’avoir jeté les bombes contre la voiture présidentielle.

À cette question, pas d’hésitation : « Ceux qui, ayant suivi leur trajet depuis la fabrication jusqu’à leur départ d’Espagne, ne les avaient perdues de vue qu’au moment où on allait s’en servir ».

Puis, comme je ne tenais pas à perdre mon temps à la Cour d’Assises, je demandai l’autorisation, si l’on n’avait plus besoin de moi, de ne plus y revenir. Ce qui me fut accordé.

Dans son réquisitoire, Bulot — toujours lui — déblatéra contre moi tant qu’il put. Il s’attaqua aussi à Émile Henry, Mais Fortuné, le frère de ce dernier, se trouvant dans la salle, prit la défense de son frère et souleva un vif incident en prenant notre ennemi à partie.

Ce n’est qu’en lisant les journaux, le lendemain, que j’eus connaissance de l’intervention de Bulot. Je regrettai