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Un jour, ce fut Labusquière qui vînt nous rendre visite. Il me demanda ce que l’on faisait au Groupe des Ve et XIIIe.

— Pas grand’chose. Nous avons décidé de nous rallier à l’abstention électorale,

— C’est un tort. Ce n’est pas ainsi qu’on fera la révolution.

— Pourquoi un tort ? Faire la révolution avec l’abstention, non. Pouvez-vous davantage la faire par le bulletin de vote ? Ne dites-vous pas que le parlementarisme est impuissant à résoudre la question sociale ? Que seule, la révolution peut détruire le régime capitaliste ?

— Certainement.

— Eh ! bien, n’est-il pas plus simple de le déclarer franchement et d’agir en conséquence, en s’abstenant de prendre part à ce qui n’est qu’une comédie et un mensonge ?

Profondément dégoûté, Labusquière me tourna le dos.

L’Égalité marcha avec le programme que nous avions accepté, sans se prononcer sur la question du vote. Cependant, on pourrait poser des candidatures d’inéligibles.

Aussitôt que l’amnistie fut votée, Guesde fila à Londres où il eut des conciliabules avec Marx et quelques-uns des réfugiés. De ces conciliabules il rapporta le fameux « programme minimum » qui, dans son préambule, affirmait que le seul moyen, pour la classe ouvrière, de s’affranchir, était la révolution, le parlementarisme étant impuissant à transformer la société actuelle en une société d’égalité et de liberté.

Or, ce n’était que de la confiture pour faire avaler la pilule électorale. Le Parlement ne pouvait pas grand’chose, mais, enfin, il y avait certaines réformes possibles. On devait voter pour les candidats qui accepteraient les « Considérant » en tête de leur programme, les défenseurs dudit programme à de certaines réformes plus ou moins empruntées aux radicaux.

L’Égalité publia ce programme, le faisant sien. Pour une volte-face, c’en était une. Dégoûté, à la réunion de la commission administrative suivante, je donnai ma démission « fortement motivée ». Ma confiance en la sincérité de Guesde était franchement ébranlée.

C’est étonnant ce que ce politicien qui, au fond, n’était