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Un de nos camarades, nommé Rousseau, qui tenait une boutique de marchand de vin, au coin de la rue Saint-Martin et de la rue de Venise, chez qui on pouvait se réunir en toute sécurité, rendant service aux amis en plus d’une occasion, fut un des plus exploités par cette clique.

De temps à autre je recevais des communications d’un groupe de camarades italiens signant « Les Intransigenti ». Je fis connaissance avec deux d’entre eux, — peut-être composaient-ils tout le groupe à eux deux ? — C’était Parmeggiani et Pini. Ils me parurent très énergiques. Ils vinrent me demander de leur laisser composer à notre imprimerie un journal qu’ils se proposaient d’introduire clandestinement en Italie. Je ne vis aucun inconvénient à leur donner cette autorisation, puisqu’il s’agissait de propagande.

Quand je me présentai à l’imprimerie, la mise en pages de leur journal était presque terminée. Ils me montrèrent avec orgueil les épreuves. Le journal s’appelait : Il Ciclone.

— C’est très bien, leur fis-je, s’il y a des poursuites, la police ne sera pas en peine de trouver l’imprimerie où il aura été composé.

Ces imbéciles avaient non seulement composé leur titre dans les mêmes caractères que celui du Révolté, mais ils avaient donné à leur journal le même format, la même justification. Jusqu’aux titres des articles qui étaient similaires !

Cela ne rata pas. Peu de temps après, je recevais une convocation de M. Clément, commissaire aux délégations judiciaires.

Arrivé chez le personnage, il me fit passer dans son cabinet.

— Connaissez-vous cela, fit-il me tendant un exemplaire de Il Ciclone.

Je pris délicatement le journal. Je l’examinai — faisant semblant tout au moins — attentivement. Puis le retournai à Clément :

— Non c’est la première fois que je le vois.