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— C’est vous Roussel ? — Je ne l’avais jamais vu — Eh ! bien, vous avez mon opinion sur vous.

Delesalle était présent, écoutant, et n’en pensant pas moins, je suppose.

— Et sur quoi vous appuyez-vous pour dire que je suis un mouchard ?

— On vous a connu, dans les réunions, où vous étiez d’une violence exagérée. À cette époque vous ne foutiez rien, toujours correctement mis. D’où tiriez-vous vos moyens d’existence ?

— Oh !… Oui, je sais… À cette époque, j’avais une maîtresse qui me fournissait de l’argent. Je n’étais pas forcé d’aller le dire à tout le monde.

— Votre explication me suffit. Je suis fixé.

Le bonhomme s’en alla. Quelque temps après, délégué à Brest par la C. G. T., il raconta aux camarades de là-bas que, traité de mouchard par moi, il m’avait « foutu sur la gueule ».

Il mourut à quelque temps de là, mais je n’en avais pas fini avec lui.

Lors de l’affaire Rousset, un nommé Beylie déversa, dans je ne sais plus quel journal, un tombereau d’injures contre moi. Or, ce Beylie, j’avais de fortes raisons de croire qu’il mangeait au même râtelier que Roussel.

Ce n’était pas mon habitude de répondre aux injures de ces gens-là, mais Beylie faisant partie du Comité de Défense sociale, je crus devoir relever ses attaques, en exprimant mes suspicions à son égard.

Je reçus du Secrétaire du Comité une lettre me sommant d’avoir à apporter les preuves de ce que j’avançais. Je fus d’autant plus furieux de la lettre, que le secrétaire était le fils de mon vieil ami Ardouin, et devait assez me connaître pour savoir que je ne parlais pas sans de fortes raisons.

Par la voix du journal, je répondis que je n’acceptais pas le rôle d’accusé quand c’était moi l’accusateur. Que, pour ce qui était de Beylie, sa collaboration au Réveil de l’Esclave du mouchard Roussel où il avait commencé sa campagne d’insultes, suffisait à entretenir mes suspicions.

Le matin du dimanche suivant, en me rendant rue Broca, je trouvai à la porte du bureau, m’attendant, une