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contre L…, mais Prouvost était un drôle de corps. Rien ne pouvait ébranler sa confiance en lui.

Quand je lus le compte-rendu de son procès, je crus qu’il avait, enfin, vu clair et, à sa sortie de prison je lui écrivis pour lui demander quel avait été le rôle de L… dans son affaire, m’appuyant sur la phrase de son avocat. Prouvost avait, plus que jamais, confiance en lui. Pourquoi, alors, n’avait-il pas protesté contre l’insinuation de son avocat ? Il ne s’expliquait pas là-dessus, du reste.

L… a disparu du mouvement anarchiste. Il aurait déclaré que les anarchistes le dégoûtaient. Il travaille dans l’anticléricalisme.

Dans les commencements que le journal était à Paris, Méreaux m’avait souvent parlé d’un nommé Roussel qui prenait la parole dans les réunions et y était d’une violence extrême. Ce fut lui qui inaugura l’habitude d’« engueuler » l’auditoire. Or, on ne connaissait au monsieur aucun moyen d’existence. Il ne travaillait jamais, était toujours bien mis. Assez d’indications pour le rendre louche.

Quand vous voyez dans le mouvement un individu qui ne travaille jamais, n’a aucun moyen avouable d’existence, il faut bien, tout de même, qu’il les tire de quelque part. Mais, si en plus, il fait de la violence à froid, il est facile de deviner d’où il tire sa paie.

Puis, Roussel avait disparu quelque temps du mouvement, lorsque, beaucoup plus tard, il reparut, fondant un journal Le Réveil de l’Esclave, où naturellement, on prêchait de tout mettre à feu et à sang, sans oublier la « reprise individuelle », et le reste.

Puis, vinrent les affaires de Draveil. Des terrassiers furent condamnés pour détention de dynamite. C’était le nommé Roussel qui la leur avait fournie. Il ne fut pas inquiété.

J’avais oublié le personnage lorsque, un jour, celui qui me rapportait les invendus des Temps Nouveaux de chez Hachette, tira de sa poche en causant, un numéro du Réveil de l’Esclave, me disant : « Connaissez-vous ce journal ? »

— Oui, il est fait par un mouchard nommé Roussel.

— Roussel, c’est moi !