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Ah ! oui, j’en ai connu de ces jeunes, venus au mouvement pleins de bonne volonté, pleins de désintéressement, mais qui, s’étant laissés prendre aux raisonnements spécieux des prôneurs de l’illégalisme, se pourrirent dans le milieu où ils s’étaient laissés entraîner, allant échouer au bagne ou en prison.

Pratiquer le vol, c’est se diminuer. Il faut mentir, tromper. Cela n’élève pas les caractères, bien au contraire. Beaucoup de ceux qui commencèrent à pratiquer le vol avec l’idée de servir la propagande, finirent par le pratiquer pour vivre, et jouir crapuleusement, lorsqu’ils avaient réussi « un bon coup ». C’était forcé. L’argent corrompt, surtout lorsque pour l’avoir on a risqué sa liberté, en usant de moyens équivoques.

Si l’on en juge par ce qui fut dit au procès, il y avait, mêlés à la bande Bonnot, des individus louches. Il y avait également des individus ayant plus d’appétits que d’idées, et aussi des vaniteux. Mais il devait y avoir également des individus qui avaient commencé par être sincères. Garnier semble avoir été l’un de ceux-là, si j’en crois l’impression que m’a laissée ce qui a été dit de lui.

Bonnot, lui-même, qui semble avoir été le type féroce du « struggle-for-lifer », avait peut-être commencé avec des rêves de fraternité et d’émancipation.

Oui, mais !… ils tombèrent dans un milieu où on se moquait de « ces sentimentalités ». « Vivre sa vie », voilà le but de l’homme intelligent. Et, lorsque la société lui en refuse les moyens, les lui reprendre de force, voilà qui était vraiment anarchiste, vraiment révolutionnaire !

Et pour appuyer sur cela, il y avait les policiers qui avaient fait leurs ces théories afin d’accomplir plus sûrement leur œuvre de désagrégation, qui venaient à la rescousse, démontrant que l’homme qui « a quelque chose dans le ventre » ne va pas prostituer ses bras à un patron, user ses forces et son intelligence à un labeur ingrat, mal payé, qui l’empêche à peine de mourir de faim ».

Oui, la police, par ses agents, la police chargée de traquer les voleurs et les assassins, ne trouvait rien de mieux que d’en fabriquer pour combattre un courant de revendications sociales qui devenait menaçant pour les privilégiés de la société.

Après tout, les voleurs et les assassins ne sont pas un dan-