Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Jacqueline et divers autres camarades. C’étaient nous qui étions joués !

Pour mettre les camarades en garde contre le nouveau journal, nous chargeâmes un de nous, le nommé Maria, de rédiger une note par laquelle nous nous désolidarisions de lui.

Ne pouvant avec fruit émettre nos suspicions, n’ayant aucune preuve positive, cela devait être rédigé avec tact. Comment s’y prit Maria ? je ne sais plus… Mais lorsque parut la note, c’était le journal qui se désolidarisait d’avec nous. Notre tentative de diplomatie n’était pas un succès. L’homme était plus fort que nous.

À ceux que nous connaissions, nous donnâmes nos raisons. Mais c’est toujours la même chose : « Êtes-vous bien sûrs que c’est un mouchard ? Si c’en était un, les camarades ne collaboreraient pas avec lui », etc., etc.

Du reste, quoi qu’en dise Andrieux, son journal ne lui servit pas à grand’chose. Si nous rencontrions des incrédules, d’autres se mettaient en garde. Ce fut de son officine que sortit la boîte à sardines que deux ou trois méridionaux, fraîchement venus de Marseille, et dont le révolutionnarisme… verbal les disposait à couper dans n’importe quel godan, allèrent déposer contre la statue de Thiers, à Saint-Germain. Mais elle n’occasionna qu’un éclat… de rire.

Plus tard, dans ses « Mémoires », Andrieux se vanta d’avoir dupé les anarchistes, en leur fournissant un jouet. Il se vantait car il n’en eut pas pour son argent. La preuve c’est que, moins d’un an après, il coupa la subvention brusquement, personne ne prenant plus son journal au sérieux. La Révolution Sociale disparut et Spilleux avec.

Du reste, les mouchards ne furent pas, parmi nous, aussi nombreux que l’on pourrait le supposer. Sans doute y en eut-il qui surent faire leur besogne sans se faire connaître. Je n’ai pas la prétention de les avoir devinés tous, mais ils durent être peu nombreux.

Le second qui vint à ma connaissance — Blanchon compte pour si peu — fut un nommé Carratoni, un Italien dont j’avais fait la connaissance par Bouriand, avant de me rendre à Genève. Expulsé de France, il se rendit à Genève et se présenta au Révolté, se recommandant de moi.