Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on avait demandé après moi, que l’on reviendrait. Delesalle qui arriva quelques instants après, m’avertit que c’était Guichard qui, ne me trouvant pas, était allé se faire la main chez lui. Voici, du reste, le récit que je retrouve dans Les Temps Nouveaux, n° 1 de la 12e année, 5 mai 1906.

Samedi, à 6 h. 1/2, M. Guichard se présentait au domicile du camarade Delesalle pour opérer ce que l’on est convenu d’appeler une perquisition. Delesalle dut exiger l’exhibition du mandat et de l’écharpe que l’on s’obstinait à ne pas vouloir montrer. C’est ainsi qu’il put se rendre compte qu’il était inculpé par le Parquet de Béthune de complicité dans les grèves du Nord.

M. Guichard voulut prendre un ton rogue. Delesalle lui répliqua que si les policiers voulaient le prendre sur ce ton, on serait forcé de les recevoir comme en Russie on reçoit les policiers.

Que voulez-vous dire par là ?

Vous le savez bien, répliqua Delesalle.

C’est tout ce que M. Guichard trouva à emporter, plus une brochure, Les Deux Méthodes Syndicalistes.

En sortant de chez Delesalle, la bande s’amena aux Temps Nouveaux. Là, on exhiba le mandat de perquisition. Sur l’invitation que je lui fis d’accomplir son métier, M. Guichard demanda de lui indiquer où je classais ma correspondance ? Je lui indiquai le poêle où étaient en train de brûler les lettres que je m’étais empressé de mettre au feu, sitôt que Delesalle m’eut prévenu.

Alors on vous a averti, me fit-il.

Je lui répliquai que je n’avais nullement besoin d’être prévenu. Connaissant les procédés de la police depuis longtemps, et ne voulant pas faire courir aux camarades qui correspondaient avec nous le risque de recevoir des visites aussi désagréables, j’avais toujours soin, lorsque le camarade était servi, de brûler ma correspondance.

Ne pouvant emporter des lettres, M. Guichard se rabattit sut les brochures, malgré que je lui fisse observer que ces brochures, non seulement je les avais payées, mais que j’en avais fait le dépôt légal et qu’elles n’étaient pas poursuivies.

Au cours de la perquisition, Guichard eut un mot typique ; « On a le droit d’avoir les idées que l’on veut, mais ou doit les garder pour soi » !

Chez Delesalle, lors de la perquisition, se trouvait sa sœur, connue dans le monde des théâtres sous le nom de Monna Delza. Elle s’était, paraît-il, largement payé la tête du bonhomme.