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aperçus fort intéressants, démontrant que l’auteur, loin de s’abrutir au bagne, s’était développé d’une façon étonnante. Mais qu’est devenu ce document ? Disparu, comme tant d’autres dans la vie mouvementée que me faisait mener la police.

Je n’eus pas l’occasion de revoir Zola. On sait l’accident imbécile qui l’emporta. Comme les journaux de l’état-major rapportaient de nouveau nos démêlés au sujet de la Société des Gens de Lettres, j’écrivis à Mme Zola pour lui demander une carte afin d’assister aux obsèques de son mari.

À la suite de ces diverses interventions, quelques-uns de nos camarades sortirent du bagne. Liard-Courtois, pour devenir le larbin de Briand, lorsque ce dernier devint ministre. Piteuse fin !

Monod, moins chançard, en sortît aveugle et mourut peu après. Grangé qui vint me voir, à son retour de Calédonie. D’autres encore que j’ai moins connus profitèrent de cette vague de mansuétude qui ne dura pas longtemps.

Quant au pauvre Meunier, de l’affaire Véry, il ne fut pas compris dans ces mesures de clémence. Son acte avait fait trembler trop de gens pour qu’on lui pardonnât. Quand je dis son acte, je veux dire celui pour lequel il fut condamné, puisqu’il le fut sans preuves. Nous ne perdîmes cependant pas espoir. Condamné sans preuves, il était victime d’une illégalité. Des tentatives furent faites à plusieurs reprises, mais il mourut avant qu’aucune décision intervînt à son égard.

Je retrouve quatre lettres de lui. Elles sont trop pleines de stoïcisme et de dignité pour ne pas les donner entières. Les voici dans leur ordre probable, d’aucunes n’étant pas datées :

Îles du Salut, 16 mai 1906.
Mon cher Jean,

La dernière fois que je t’ai écrit, j’étais à l’hôpital, Comme j’espérais pouvoir, sinon me guérir, du moins me rétablir un peu, je ne t’en ai pas parlé.