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pas », d’aucuns donnaient leur obole, allant jusqu’à la pièce blanche, croyant encourager de zélés partisans. Ce fut la période dorée pour les camelots et la fripouille individualiste.

Et parmi les orateurs anarchistes, n’y en eut-il pas de soudoyés ? Je n’ai que des suspicions, mais quelques-uns « se retirèrent des affaires », une fois l’affaire finie.

Par parenthèse, le Libertaire qui n’était pas plus riche que nous, trouva cependant les moyens de publier, à fort tirage, un placard en faveur de Dreyfus, alors que la même semaine, il n’avait pu faire paraître son numéro, faute d’argent, parait-il.

Quant au Journal du Peuple, fondé par Sébastien Faure, tout le monde savait que les fonds avaient été fournis par le monde juif qui avait participé à l’affaire Dreyfus.

Les Dreyfusards avaient-ils voulu, par là, montrer leur reconnaissance à Faure du concours qu’il leur avait apporté et de l’énergie qu’il avait déployée ? C’est possible. Mais la femme de César devrait éviter tout ce qui peut la faire soupçonner.

De plus, il y eut une bagarre où Faure fut mêlé — dans une rue ou devant une église Saint-Joseph — qui me parut, à l’époque, bien proche parente du Fort Chabrol.

À une de mes visites à l’Aurore, — nous avions eu déjà, je crois, quelques « attrapages » avec Gohier — Vaughan, me montrant son bureau, me disait : « Les anarchistes ! il ne faudrait pas qu’ils crient trop haut. J’ai, là, de quoi les faire taire », ou « d’en faire taire », j’ai oublié l’exacte expression.

— Donnez des noms, que nous connaissions les brebis galeuses.

Mais Vaughan ne répondit rien. J’aurais bien donné quelque chose pour mettre le nez dans ledit bureau.

Ce fut pendant l’ « Affaire » que je fis connaissance de Leyret. Il avait pris l’habitude de venir quelquefois, au bureau.

Un jour, il arriva avec la proposition suivante : Zola devait se rendre au tribunal de Versailles. Ses amis proje-