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La première chose à faire était de renouer avec les camarades.

Pendant ma captivité était arrivé un chèque de 300 fr, envoyé par Sadier, de Buenos-Ayres.

Un répétiteur de lycée avait, sous le nom de Charles-Albert, ses prénoms, collaboré au Supplément. Il avait été, lui aussi, tracassé, et avait dû quitter l’enseignement. Il était à Lyon comme correcteur d’imprimerie. Il récolta, pour sa part, quelques centaines de francs. J’arrivai, je crois, à réunir 800 francs environ.

Bien entendu, j’avais écrit à Reclus et à Kropotkine pour savoir si on pouvait toujours compter sur leur concours.

Reclus me répondit que les temps étaient changés. Peut-être avais-je d’autres intentions ?

— Je ne vois rien de changé, lui écrivis-je. Nous sommes quinze mois plus vieux, et c’est tout.

Il m’écrivit d’aller le voir à Bruxelles. Je pris un billet d’aller et retour, valable pour cinq jours, et me voilà à Bruxelles. Reclus me dit :

— Vous êtes-vous entendu avec Pierre (Kropotkine) ?

— Je lui ai écrit comme à vous. C’est entendu. On peut compter sur lui.

— Ça n’est pas suffisant. Il peut être de bon conseil. Il faut le voir.

— S’il n’y a que cela. Demain je m’embarquerai pour Londres.

Comme Reclus n’avait pas de lit disponible, il me conduisit à l’hôtel. Le lendemain il m’accompagna à la gare. Arrivé à Ostende, je m’embarquai pour Londres où je pris un cab qui me mena chez Kropotkine. Nos affaires furent vite réglées. Kropotkine était enchanté que le journal reparaisse. On pouvait absolument compter sur lui. Il enverrait des articles autant qu’il serait nécessaire.

Mon billet de retour n’étant que de cinq jours et n’ayant pas le gousset assez garni pour risquer d’en perdre le bénéfice, je repartis le lendemain pour Bruxelles.

Reclus n’était plus en situation de nous continuer la subvention mensuelle de 100 francs qu’il avait faite jusqu’à la fin de la Révolte, mais il nous aiderait dans la mesure du possible.

Son frère, Élie, qui dîna le soir avec nous, me raconta le