Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un détail que j’avais oublié, et que je retrouve dans le Révolté du 14 juin 1879. Le comité Louis Blanc refusa des secours à un amnistié, parce que, primitivement, il s’était chargé — et acquitté — d’une commission auprès d’un membre du comité socialiste. Cela dépeint la mentalité de ceux qui le composaient.

Ce fut dans ce comité que je fis connaissance d’Ardouin, ouvrier fleuriste qui, ayant pris part à la Commune, avait pu échapper à la répression en passant à l’étranger. C’était un excellent camarade dont j’aurai à parler plus loin.

Presque en même temps, nous avions organisé un « Comité des grèves » en vue de ramasser des fonds pour soutenir les grèves qui pourraient se produire. J’en faisais partie avec Ardouin. Eugène Fournière, ouvrier en fausse bijouterie, y débuta. Intelligent, parlant facilement, il faisait beaucoup de zèle. Mais il ne tarda pas à semer, en route, le révolutionnarisme dont il faisait parade, au fur et à mesure qu’il vit que « ça pourrait le mener à quelque chose ». Était-ce l’habitude de travailler dans le faux ?

Avec Jeallot et Minville nous fondâmes aussi le Groupe d’études sociales des ve et xiiie arrondissements, dont je fus le secrétaire. Le groupe était surtout fréquenté par des ouvriers tanneurs, mégissiers et corroyeurs, industries du quartier.

Notre premier soin fut de nous mettre en relation avec tous les groupes dont nous pouvions avoir les adresses, tant à Paris qu’en province. Comme secrétaire, je fus chargé de la correspondance.

Nos idées anarchistes, à ces débuts de notre propagande, étaient très indéfinies. La liberté pour chacun, le bien-être pour tous. Le droit, pour l’individu, de choisir son mode de groupement, d’agir selon sa libre initiative, et le droit à son développement intégral, cela allait de soi.

Pas d’autorité ! c’était entendu. Entente entre les groupements et les individus ! c’était hors de discussion. Mais dans l’ensemble, tout cela restait vague.

Adversaires de l’autorité, nous ne voulions pas de président pour nos réunions. Il ne devait plus y avoir qu’un « délégué à l’ordre » ! Inconsciemment, nous emboîtions le pas aux faiseurs de révolutions politiques, dont le premier travail est de conserver les vieilles institutions en