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des derniers abonnés dont je n’avais pas encore fait imprimer les adresses.

Je lui fis observer que c’étaient des adresses d’abonnés, qu’elles m’étaient indispensables, qu’il agissait contre tout droit en les prenant.

« Vous n’aurez qu’à aller les réclamer, dans la semaine, au Palais de Justice », me dit-il. Et, tout en fouillant, il consultait continuellement des notes qu’il tenait à la main. Ça ne me disait rien qui vaille !

À la fin, il me demanda de le conduire à mon domicile particulier.

Le bureau étant de plus en plus encombré de paperasses, j’avais dû louer, rue Monge, une chambre où j’avais transféré mes meubles. Dans le vague espoir qu’elle échapperait à la police, je l’avais louée sous le nom de mon parent, Benoît. Mais, entre les pattes des limiers, cela devenait la « précaution inutile » !

J’essayai de m’en tirer en disant que je n’avais pas de domicile à moi, que je logeais chez une maîtresse.

— Alors, je suis forcé de vous arrêter.

Il n’y avait rien de compromettant rue Monge. Cela ne voulait pas dire que ça ne se terminerait pas quand même par une arrestation. Mais, tout considéré, arrêté pour arrêté, j’essayai ma dernière chance. J’emmenai les argousins rue Monge.

La visite ne dura pas longtemps. Ils ne trouvèrent rien, et s’en allèrent, me laissant libre, à mon grand soulagement.

Dans la journée j’appris que des centaines d’anarchistes avaient reçu, pour leurs étrennes, de semblables visites.

Pendant la perquisition faite chez elle, Mme Benoît reconnut un de ceux qui avaient pratiqué la précédente. C’était Fédé. De plus, après le départ des policiers, elle constata la disparition d’un volume de la Société mourante que j’avais dédicacé à son mari.

Le commissaire du quartier chez lequel je l’engageais à aller réclamer, jura ses grands dieux qu’il était impossible qu’un officier de police s’emparât de ce qui ne lui appartenait pas.

Le volume n’en avait pas moins disparu. Peut-être, lui aussi, sera-t-il allé enrichir quelque vente.