Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’espèce humaine. Je l’écrivis à Mirbeau qui écrivit un article émouvant là-dessus dans l’Écho de Paris.

Mon premier soin avait été de me réclamer de ma qualité (!) de politique. Le directeur me fit appeler au bout de quelques jours, mais ne me prêta qu’une oreille distraite. Enfin, l’ordre vint de me transférer à Sainte-Pélagie, Là, ce ne fut qu’aux « dettiers » que je fus conduit.

Le régime y était meilleur qu’au quartier de droit commun, mais ça ne valait tout de même pas le Pavillon des Princes. Je fis une nouvelle réclamation.

Ce ne fut que deux ou trois jours après que le directeur me fit appeler. Il était assisté de l’inspecteur de la prison.

— J’ai reçu votre réclamation, fit le directeur. Savez-vous que vos camarades sont un danger public. Vous savez qu’ils viennent de faire sauter le restaurant Véry ?

C’était la première nouvelle que j’en avais. Même, sur le moment, je n’y étais pas. Véry ? Mais je fus sur la piste aussitôt.

Aussi impassible qu’ils semblaient graves, je leur répondis :

— Il n’avait qu’à ne pas se faire mouchard.

— Oh ! je ne veux pas discuter cela avec vous, reprît le directeur qui s’appelait Potin, Je vous ai fait venir pour vous dire que vous pouvez vous préparer à passer aux politiques. On ira vous chercher pour vous y conduire. C’est ainsi que j’appris l’attentat Véry.

Mais, non contents de m’arrêter soi-disant pour le paiement de mon amende, on avait profité de mon absence pour perquisitionner au bureau et enlever diverses choses. J’en fus informé par mes parents du 140. J’écrivis aussitôt au Procureur de la République :

Paris, 17/6 1892.
Monsieur le Procureur,

Arrêté le 20 avril, pour non-paiement d’une amende, on a, en vertu de je ne sais quel mandat, fait perquisition chez moi, en mon absence, deux jours après mon arrestation et on s’est emparé de lettres, manuscrits, brochures, volumes, mandats et