que lorsque parut le Prolétaire, auquel je m’abonnai dès sa création. J’y trouvais, encartées, des lettres de convocation pour les réunions organisées par le « Parti Ouvrier », que je suivis assidûment. J’étais pris dans l’engrenage.
Fort peu de temps après, je vis entrer un jour chez moi un individu qui avait l’air d’un garçon maçon, et qui se mit à me poser diverses questions sur ce que j’étais, ce que je faisais, etc.
— Mais qui êtes-vous, pour venir m’interroger ?
— Je suis employé au ministère de la Guerre. On a besoin de quelques renseignements sur vous.
— Vous êtes employé au ministère de la Guerre ? Est-ce que l’on aurait l’intention de me faire repartir parce que je vais dans les réunions ?
— Oh ! non ! Seulement on désire savoir ce que vous faites.
— Eh bien, vous leur direz que je n’ai rien à leur dire.
Au cours de la conversation, il m’avait lâché qu’il m’avait vu dans les réunions, et qu’il était l’ami de Gaston Picourt, qui faisait partie de l’entourage de Guesde.
Quand je rencontrai Picourt :
— Je vous félicite, lui dis-je, « vous choisissez bien vos amis, jusque dans la police ! ».
— Comment ? Comment ? fit-il.
Je lui racontai la visite que j’avais reçue.
— Je vois qui vous voulez dire. J’ai déjà remarqué le bonhomme. À la prochaine réunion où il sera, amenez-le moi.
Peu de temps après, il y eut réunion rue des Arquebusiers. Une vingtaine de personnes au plus. Mon Blanchon — c’était le nom que mon visiteur m’avait donné — s’y trouvait.
Picourt finit par arriver. Je le menai vers le monsieur.
— Voyons, Blanchon, vous dites que vous êtes employé au ministère de la Guerre ?
— Oui, fit l’autre, ayant l’air un peu démonté.
— Tiens ! vous m’aviez dit, à moi, que vous étiez employé au Jardin des Plantes.
— Oh ! c’est parce que je cumule.
— Vous cumulez ! Savez-vous ce que vous êtes ? Un mouchard ! Et nous allons vous sortir.