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l’Éclair du 1er octobre 1902, car cette histoire lui fut ressortie lors de l’affaire Dreyfus :

… « Un homme avait par sa plume contribué plus que tout autre à propager la semence d’anarchie : c’était le créateur de « Souvarine », l’auteur de Germinal ». Très naturellement, M. Henry Leyret, qui recueillait les signatures se présenta en son fastueux hôtel.

« M. Émile Zola lut l’éloquent appel à la clémence présidentielle et refusa de signer.

« M. Leyret eut avec lui la conversation suivante qu’il a consignée :

« — Je ne veux pas signer la protestation que vous m’apportez, cela m’est tout à fait impossible, me déclare M. Zola.

« — Pourquoi ?

« — Mais parce que cela ne m’intéresse pas, moi. Je ne suis pas pour la violence. J’ai lu des extraits du livre de Grave, l’Anarchie (!), ceux qu’ont publiés les journaux dans le compte rendu du procès, il y est fait exclusivement appel à la violence, je n’approuve pas ça du tout. Je n’ai pas à faire la propagande d’idées que je réprouve, étant, moi, un homme d’évolution et non de révolution.

« — La défense de la liberté d’écrire se trouve en cause aujourd’hui.

« — La liberté d’écrire ? mais je le nie. Personne, d’ailleurs, ne s’est servi de cet argument pour défendre Grave, pas même son avocat.

« — Pardon. D’abord MM. Octave Mirbeau et Clemenceau, en leurs articles, puis Me de Saint-Auban dans sa plaidoirie.

« — Je ne la connais pas.

« — Me de Saint-Auban a très bien dit que l’accusé n’était pas un poignard, une bombe, mais un livre, une œuvre de l’esprit, et que, par application des lois de décembre, le gouvernement ne demande au jury pas autre chose que de persécuter la liberté de penser.

« — C’est faux ! Et d’ailleurs Grave n’est pas un écrivain, un des nôtres, c’est un politique, un militant. Que les politiques se débrouillent ! Je ne fais pas de politique, moi. Lorsqu’on se jette dans la mêlée on doit s’attendre à recevoir des coups. Grave est frappé, eh ! bien c’est le jeu de